1336 : Devenir entrepreneur, ce serait interdit aux ouvriers ?

J’ai reçu hier le kit de produits de 1336 auquel j’avais souscrit sur ulule.

1336, c’est la marque de thés et infusions lancée par un groupe d’ouvriers de l’usine de Gémenos à quelques kms de Marseille. Pendant 1336 jours des salariés ont résisté pour conserver leur emploi et préserver leur outil de travail face au géant Unilever et à sa marque des infusions Elephant.

Le groupe ne voulait plus produire les thés et autres boissons dans ce qui est pourtant l’emplacement historique de naissance d’Elephant.

Pendant quatre ans, après la décision du groupe anglo-néerlandais Unilever de délocaliser la production  en Pologne, les salariés de « Fralib », ex-producteurs des thés Lipton et infusions de l’Elephant ont veillé sur leurs machines, lutté ensemble, réussi à médiatiser leur lutte. Et à la fin créé une entreprise coopérative, ScopTi, pour relancer la production. Le Président de la République est venu déguster l’un des premiers thés produits par la nouvelle société.

Et puis les ex-Fralibs ont lancé un crowdfunding afin de contribuer à financer leur lancement, se sentir encouragés. Il parait pourtant que les salariés français sont nuls, ringards et qu’ils savent pas s’adapter si on écoute BFM Business ou Les Républicains et le pessimisme ambiant qu’on nous met dans la tête. Là on a des filles et des gars qui font face à la difficulté, montent une boite ensemble et font du crowdfunding. Ils avaient un objectif modeste, ces personnes : que 1336 souscrivent à leur aventure et commandent le thé et des infusions qu’ils produisent.

L’aventure a été largement relayée. Dans la presse de divers bords, dans des événements militants, sur les réseaux sociaux. Dans nombre de sociétés, les syndicats de salariés, les comités d’entreprise ont relayé l’information et incité à souscrire au Ulule de 1336.

A la fin l’objectif est atteint et même dépassé: 2493 personnes ont passé une précommande. Environ 2500 contributeurs et contributrices différents pour un crowdfunding c’est certes plus que l’objectif et c’est bien.

Mais c’est quand même peu, je trouve, par rapport aux médiatisations, aux indignations, aux soutiens, aux tweets, aux appels. Certes les temps sont durs pour beaucoup et quelques euros dans du thé ça peut aussi grever le budget des plus modestes..

Mais pour d’autres, il est plus facile de liker ou de signer une pétition, bref de faire du slacktivisme, que de filer quelques ronds à une initiative des plus sympathiques. Cela laisse interrogateur sur beaucoup de proclamateurs dans notre pays, qu’ils soient ou non issus des réseaux militants, qu’ils réalisent leurs déclarations sur le web ou loin des claviers et écrans. Grands diseux, petits faiseux.

Tout comme laisse interrogateur un certain discours sur l’entreprise : si la CGT et d’autres syndicats ont abondamment relayé l’opération, les organisations patronales et de façon générale beaucoup de ceux dans la presse, dans la politique ou dans les affaires, qui font la promotion de entrepreneuriat à tout vent, sont restés bien silencieux devant l’initiative. Une initiative de salariés de détenir leur propre entreprise, qui plus est en faisant appel à la multitude chère à Nicolas Colin et Henri Verdier.

Grands diseux et petits faiseux ? Ou y’a-t-il ici le mépris de classe du vieux marxisme ? Être entrepreneur ce serait interdit aux ouvriers en France ?

ps : pour mieux connaitre la Marque 1336, voir la page Facebook. Les thés et infusions sont disponibles dans certains supermarchés et dans des boutiques en ligne comme Maxicoffee.