Adieu madame Bhutto

C’est l’émotion et la stupeur chez les partisans et les militants du Parti du peuple pakistanais (PPP), principal mouvement de la gauche pakistanaise. Benazir Bhutto, celle qu’ils chérissaient comme la Dame de l’Est ou la Dame de Karachi, son fief électoral, est morte des suites de ses blessures, touchée par une balle et un fragment de la bombe qu’a fait exploser un kamikaze lors d’un meeting électoral.Des émeutes qui ont éclaté au Pakistan après l’assassinat de l’opposante.

Son parti avait mobilisé ses militants réunis dans un faubourg de Rawalpindi, la grande ville située à quelques kilomètres d’Islamabad.

La réunion de Madame Bhutto venait à peine de se terminer. Elle s’apprêtait à quitter la salle de la réunion quand un kamikaze s’est fait exploser. Benazir Bhutto avait reçu une balle dans le cou tirée par son assassin avant l’explosion.

Cette tragédie survient dans une recrudescence d’attentats jamais vue dans le pays et au sein d’une campagne  électorale qui est la premiére depuis la mise en place d’une sorte de régime militaire dans le pays.

La campagne avait émaillée de restrictions puisque madame Bhutto avait été assignée à résidence un temps, s’était vue interdire une marche pour la fin de l’état d’urgence.

Première ministre du pays, premiére femme à diriger un pays musulman jusqu’en 1996 où elle destituée par le Président de la République sous des accusations de corruption, elle était revenue au pays aprés huit ans d’exil ce qui  troublait le jeu d’un Musharraf désireux de faire légaliser par les urnes sa prise en main militaire.Contrairement à d’autres partis d’opposition qui boycottaient le scrutin, elle avait décidé d’y participer, se réservant le droit de ne pas en reconnaitre le résultat en cas de fraude.

Le Pakistan est un pays de tensions, qui bien qu’allié des USA dans de nombreuses circonstances, comprend des mouvements extrémistes musulmans particulièrement bien organisés et des terroristes prés à tout.

Islamiste ou défendant d’autres causes, une part de l’opinion publique est chauffée à blanc, prête à toutes les manifestations les plus violentes, ne serais-ce que pour une décision contestable lors d’un match de cricket.La religion est en débat plus que jamais dans un pays où l’Islam joue un rôle important depuis la création de cet Etat. Pour reprendre l’exemple du sport numéro un dans le pays, jamais équipe nationale de cricket du Pakistan n’a été aussi démonstrative dans sa foi, arguant d’une prise plus grande du fait religieux dans le pays.Le seul chrétien de l’équipe s’est d’ailleurs converti à l’Islam.

Nous sommes dans un pays à la croisée des chemins entre ouverture vers le monde et repli identitaire dans lequel s’entrecroisent entreprises modernes et campagnes pauvres, islamistes et gentlemans très commonwealth, théologiens musulmans libéraux et écoles coraniques suspectes.

L’assassinat de Madame Bhutto est une tragédie pour la démocratie,une grande perte pour la gauche internationale en particulier et les partisans de la démocratie en général. C’est aussi la preuve, comme le disait le journal progressiste marocain Libération que le clivage international ne passe pas par une lutte des civilisations entre occident et pays musulmans mais des démocrates de tous pays et de toutes confessions contre les obscurantismes.