Cameroun: L’acte historique et inaperçu de François Hollande

C’est passé inaperçu au milieu des histoires grecques mais le Président de la République s’est rendu au Cameroun il y a quelques temps. Un pays qui m’est cher, complexe et fabuleux où j’ai eu la chance de vivre et qui m’a marqué pour toujours. Le Cameroun dans lequel, cela aussi c’est passé inaperçu, le Président Hollande posa un acte historique.

Ce pays multiple, à la fois protestant, catholique et musulman et quelque peu animiste aussi, en même temps francophone et anglophone et animé de deux centaines de dialectes également, est très lié de par son histoire à la France.

Celle-ci fut d’ailleurs la puissance colonisatrice en même temps que le Royaume-Uni pendant un demi-siècle .

Les élites locales vont au lycée français et vont faire leurs études supérieures pour nombre d’entre elles dans les facultés et grandes écoles de notre pays. Le Président de la République, Paul Biya, est d’ailleurs un ancien éleve de l’IEP de Strasbourg

Dans ces liens forts se cachent des zones d’ombres. On a longtemps parlé de l’influence des réseaux Foccart puis Pasqua sur le pays. Et puis on a aussi oublié quelque chose: le Cameroun fut le seul pays d’Afrique noir francophone à connaitre une guerre armée d’indépendance. Une sale guerre.

Une guerre oubliée au Cameroun

Même quand on s’intéresse au Cameroun, même quand on vit au Cameroun, il faut tendre l’oreille pour entendre parler de cette guerre oubliée. Les plus anciens vous parleront des années 50, de ce mouvement, aujourd’hui légalisé, l’UPC. Qui dans l’ouest du pays prirent les armes contre la puissance coloniale. De la répression que subirent des villages entiers. Du napalm. Des travaux forcés. D’une guerre secrète.

Dans la littérature camerounaise rien. Ou pas grand chose. Enfin est-il possible de parler de pas grand chose quand l’un des rares livres qui évoque la situation est le grand roman de l’immense et trop méconnu Mongo Béti Remember Ruben? Je n’avais pas lu pendant longtemps cette plume majeure du pays en trianble. Il avait pour certains, ce francophone, francophile marié à une française bien blanche, la réputation stupide d’être un écrivain raciste ce qui m’avait forcement rebuté.

Béti raconte tout , avec sa langue qui refuse le folklorisme. L’idéologie de l’UPC, vaguement maoisante. Les conflits pendant le colonialisme. La répression par le pouvoir nouvellement installé par les colons et Ahidjo. Le leader charismatique et méconnu Ruben Um Nyobé.

Il est bien seul à parler du napalm dans les yeux des gosses. Il est bien le seul qui dit les massacres, la haine.Les livres d’histoire n’en parlent guére. Les présidents de la république, camerounais comme français en visite ne l’évoquent pas. Pas de mémoire. Pas de passé. Tout juste les différentes factions de l’UPC, très assagies lors de leur légalisation au début des années 90, évoquent ces faits de temps à autres.

Jusqu’à Kamerun, un ouvrage fort documenté paru il y a tout juste quelques années et qui fera un travail historique du conflit. Et puis c’est aussi une tribune il y a quelques temps avant le voyage du Président Hollande dans Libération et signée par les auteurs de l’ouvrage précité, qui évoquera de nouveau le drame.

En reconnaissant la guerre cachée de la France au Cameroun, avec dignité et sans masochisme, le Président Hollande a fait un grand geste. Un geste hélas presque aussi ignoré que ce drame tant les opinions médiatiques, politiques et économiques ont depuis bien longtemps tendance à ne pas voir les pays d’Afrique sur le même plan que les autres.

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