Charlie Hebdo : alors c’est comme d’habitude

Charlie Hebdo. Et c’est comme d’habitude. Au milieu de plein de unes satiriques parlant des politiques, des chrétiens, des athées, des petits et des grands, des minces et des gros, Charlie Hebdo parle d’Islam et d’islamisme, d’attentats. De tués. Et les habituels défendent ou attaquent le journal. Sans surprise. Et souvent sans le lire ( quand je suis allé acheter le mien en fin d’après-midi hier le buraliste avait encore tous ses exemplaires à vendre).

Sans surprise en effet puisque l’actualité en est en partie parsemée de ces histoires. Bamako, Nigeria, Cameroun,  Ouagadougou, Tombouctou, Barcelone, Finlande, Sibérie, Syrie, Afghanistan, des morts, des blessés, des femmes, des enfants, des gens de toutes conditions sont abattus par les islamistes.

Bien sûr que ce n’est pas la première cause de mortalité en Europe ou dans le monde le terrorisme. On risque (à par peut-être en Syrie) bien plus de mourir d’un cancer ou de maladies coronariennes qu’entre les mains d’un terroriste ou d’un fou cherchant à imiter un terroriste. En particulier dans le monde occidental où de loin les principales causes de mort violentes sont les accidents de la route et le suicide.

Reste que les morts du terrorisme nous font peur par leur spectacle. C’est normal : le principe même du terrorisme c’est de terrifier (lire d’ailleurs à ce sujet l’excellente entrevue de Gérard Chaliand dans la revue du Comptoir). Et à côté de cela pour l’islamisme radical de nous diviser entre musulmans et non musulmans pour nous inciter à nous combattre les uns et les autres.

Pour l’instant les sociétés européennes résistent bien. Certes il y a parfois d’inqualifiables actes de haine contre les musulmans qui doivent être fermement combattus. Sans compter, plus profondément, les discriminations subies au quotidien par nombre de concitoyens qui ne doivent pas être minimisées.

Reste que pour l’instant les choses tiennent plutôt très bien face aux tentatives de l’Etat Islamique de nous déstabiliser.

Nous tenons malgré de nombreux idiots utiles de deux variétés bien distinctes et opposées:

-D’un côté ceux qui veulent voir dans chaque musulman un terroriste potentiel, qui se demandent, ouvertement ou pas, si croire en Allah, n’est pas déjà un peu excuser le terrorisme potentiel. Ce genre de réac qu’adorent les gens de Daesh, ce genre de réac qui fait des caricatures de Najat Vallaud-Belkacem avec un voile, qui ne parlent de christianisme que pour l’opposer à d’autres religion, ce genre de réac qui oscille entre Marine Le Pen , Hervé Mariton et quelques nationalistes de gauche ou de droite ayant mal terminé.

Et puis de l’autre ceux qui nient tout. Ou « oublient » de condamner. Ou qui nient la dimension spirituelle dévoyée de laquelle se parent les tueurs.Au moindre fait divers le CCIF ( Le Collectif Contre l’Islamophobie en France ) a tendance a réagir très vite. Ici il  n’a pas trouvé deux secondes pour condamner un attentat qui a été commis au nom de l’Islam et donc serait de nature, bien plus que d’autres faits, à insulter cette religion. D’autres, voulant expliquer à tout prix que la religion n’a rien à faire dans cette histoire par peur d’une montée de la xénophobie, nient les motivations des tueurs , laissant aux seuls réacs la question légitime du lien entre religion dévoyée de ses principes et terrorisme.Pourtant  de Bamako, Nigeria, Cameroun,  Ouagadougou, Tombouctou, Barcelone, Finlande, Sibérie, Syrie à l’Afghanistan,les mecs crient Allah Akbar. On ne peut pas dire que l’Islam c’est le terrorisme mais on ne peut pas dire que ce terrorisme n’a rien à voir du tout avec la question religieuse. C’est d’ailleurs le sens de l’ouvrage passionnant de Jean Birnbaum sorti il y a quelques temps déjà.

C’est ce que, avec sa brutalité satirique coutumière, qui s’applique à l’Islam comme aux autres, aux chrétiens (et Dieu sait que le chrétien que je suis est parfois agacé par certaines unes mais préfère qu’elles existent plutôt que Charlie ne soit contraint de se censurer) , aux juifs, aux autres, Charlie Hebdo a voulu poser sous les cris de ceux qui parlaient il n’y a pas si longtemps de liberté d’expression. Il ne s’agit pas, comme peut le faire Dieudonné, de s’en prendre à des croyants parce qu’ils sont croyants. Ce ne sont même pas les musulmans, au passage qui ne bénéficient en rien des crimes de l’islamisme  qui sont ici le sujet. Mais juste ceux qui, par commodité ou par excuse, veulent nier une dimension religieuse, certes dévoyée, dans cette histoire.

Pour être ensemble face à Daesh nous avons besoin de réfléchir ensemble, gens de toutes confessions et opinions. Et de rire. Ensemble.