Filippetti, la concurrence; le numérique et le commerce Romain Blachier

Je me rappelle lorsque Amazon avait annoncé son ouverture en France, je rentrais d’un agréable week-end parisien.

Libération en faisait sa une.

Beaucoup ailleurs ne comprenaient pas le phénomène que cela impliquait,  pensant à un simple vendeur de plus sur la toile française.

Depuis Amazon a fait son trou dans notre pays, amenant nombre de gens à y  faire, à côté de ses nombreuses emplettes de proximités et sur nombre d’autres sites,  des achats très réguliers.

Amazon vend une gamme qui est désormais loin de se limiter à la musique et aux livres mais s’étend aux articles pour bébés (ma carte bleue en sait quelque chose ! ) ou aux produits de mode.

Interrogée hier sur le dépôt de bilan des magasins Virgin, Aurélie Filippetti a estimé que le processus finalement choisi par Virgin donnera un délai au gouvernement pour trouver un éventuel repreneur.

Mais ce qu’on surtout retenu beaucoup, après cette déclaration, c’est que que la ministre de la Culture a dénoncé la concurrence déloyale d’entreprises comme Amazon, qui payent bien moins d’impôts que les distributeurs localisés en France. En effet cette entreprise dans les pays où elel est installé, a une fâcheuse tendance à créer des artifices pour payer moins de taxes que les autres.

Très curieusement la chose a été prise par certains,dont certes quelques-uns qui de toutes façon disent blanc dés que la ministre dit noir, comme une attaque contre le modèle du e-commerce.Et même contre le progrès technologique en général ! D

‘ailleurs suivant la figure désormais rituelle un hashtag #Filipettifact s’est déployé sur twitter. Basé sur le thème « La ministre considère que le progrès est une concurrence déloyale aux technologies du passé ».  Faisant preuve de vaste inventivité parfois humoristique et drôle, parfois agressive.

Numerama, lui, confondait le souci, réel de la plate-forme de téléchargement Virgin Mega et le probléme rencontré par les magasins  distributeurs de produits physiques.

D’autres ont se sont fait les avocats d’Amazon dans de simplistes calculs: Amazon serait en train de créer mille emplois, soit en gros autant que Virgin.

En premier lieu le chiffre est gonflé puisqu’on est plus proche des 250, ce qui est certes intéressant dans cette période de crise mais tout de même très loin du millier annoncé.

Mais oui 250 c’est toujours ça. C’est ce qui a amené, loin des discours des libéraux contre la méchante gauche qui serait anti-commerce, les socialistes de Saône-et-Loire à soutenir son implantation,

Par ailleurs il faut aussi comprendre que l’action de Amazon ne s’exerce pas que face à des Virgin Megastore mais aussi vis à vis de disquaires, de la filière livre mais aussi des vêtements, des équipements pour bébé, de l’animalerie etc…et donc que d’autres concurrents sont concernés.

La concurrence n’est pas forcément une question entre commerce physique et numérique

Et cette concurrence la ne se joue pas uniquement entre gentils et méchants où selon les points de vue, les uns seraient les magasins physiques et les autres des e-commerçants, elle existe vis à vis de tous, brick and mortar comme commerçants du monde numérique. 

Amazon, pour prendre l’exemple des produits pour bébés,  est tout autant un concurrent pour le magasin en durBébé 9 situé dans mon quartier, grande rue de la Guillotière , que pour un site comme Bébé au Naturel.

C’est le libre jeu du consommateur et de la concurrence . Seulement voila lorsque les règles pour les uns et les autres ne sont pas les mêmes, il est difficile de jouer dans la même cours et cela provoque une situation déloyale.

La Ministre a du coup saisi l’occasion pour aborder ce sujet qui est un vrai souci pour l’équité et la loyauté commerciale.

N’en déplaise à certains internautes de droite, ce que dit Filippetti est loin d’être isolé en Europe: même le conservateur, libéral et anti-européen, David Cameron trouve qu’il y a un souci et souhaite de nouvelles régulations tant nationales qu’européennes.

Mais Amazon ne se résume pas à un vilain petit canard du monde marchand et culturel: il a sans doute, comme beaucoup d’acteurs du e-commerce, créé des besoins par l’offre et le marketing, le choix et la disponibilité qui n’auraient pas peut être pas été exprimés et monétisés autrement. C’est à mon sens un élément important.

Quelle création pour quelle destruction? Il serait intéressant de s’y pencher, pour Amazon comme pour le reste. Il parait que cela va être fait et c’est tant mieux.

Avec l’impôt, des problèmes plus profonds pour Virgin

Et puis bien évidemment et la ministre d’ailleurs ne dit pas le contraire, la feuille d’impôts d’Amazon n’est pas le seul problème de Virgin.

D’abord parce que l’affaire est aussi financière: le fond d’investissement qui a racheté Virgin semble avoir eu, comme souvent chez les financiers purs, une gestion pour le moins hasardeuse du fond.

Ensuite parce que, outre une plate-forme numérique qui n’a pas su s’adapter et a été victime de la voracité des majors, Virgin a sans doute manqué d’idées ou d’envie pour être une valeur ajoutée en tant que lieu physique par rapport aux acteurs du e-commerce.

Peu d’animations, des choix standardisés, des magasins à la structure immuable, amenant fatalement à un fort showrooming. On vient davantage se renseigner sur l’existant plutôt qu’acheter.

Il ne peut ici s’en vouloir qu’à lui-même.

Concernant l’emploi, comme sur Florange, comme l’ont dit certains,  la gauche ne peut se satisfaire de ces emplois peu qualifiés, peu gratifiants. L’ambition a terme est de transformer le travail et de hausser la qualification.

Mais elle ne saurait non plus résumer les villes à des déserts commerciaux et les emplois à emballer des colis. Sans compter que la France manque d’emplois non qualifiés en ces périodes de chômage qui touche les plus faible. Mais cela ne peut se faire en maintenant artificiellement une activité non pérenne par la nationalisation, et cela aussi la ministre l’a dit. Un monde nouveau se créé tous les jours, il va vite et je ne veux être en retard, je dois vous laisser.