Mon ami Victor Orban et mon amour de la pêche: une chronique de Simon J (Lyonnitude(s) )

Simon J est déjà venu chroniquer ici sur ce blog. Grincheux, un peu troll, assez réac, il fut jusqu’à ce qu’une récente date d’anniversaire le chasse, l’un des responsables des amis d’Arnaud Montebourg au sein des jeunes socialistes. Il fut également le tenancier d’un blog légendaire de par son côté un peu barré et trash. C’est surtout, même si il est bien évidemment bien plus dans l’erreur que le modeste auteur habituel de ce blog, un ami. Je lui laisse la parole.

Je suis une feignasse de salarié politique. Donc j’ai beaucoup de temps, que je peux gaspiller à écouter en me réveillant des radios de bourgeois s’adressant à l’élite à laquelle j’appartiens. A 10h30 7h,, au saut du lit donc, j’écoutais, comme chaque jour que Todd fait, la matinale de France Culture (oui, je suis une caricature, avant j’écoutais France Inter mais, pour ne pas exagéré j’ai oublié de me réabonner à Télérama).

En fait, je suis aussi un peu masochiste : écouter aussi régulièrement la radio qui héberge Raphaël Enthoven quand on a voté Montebourg aux primaires du PS, il  faut aimer se faire mal, manger des blettes, estimer que Jean-François Copé est un génial penseur politique ou trouver la rubrique nécrologique de l’Yonne Républicaine formidable pour assumer ce genre de pratique perverse.

Le mercredi, c’est le jour où Alain-Gérard Slama sévit. Il me réveille à peu près aussi violemment qu’Enthoven. Le philosophe autoproclamé étale habituellement son relativisme involontaire en qualifiant tous ses nombreux ennemis de fascistes, nazis, vichystes et autres joyeusetés – et franchement, je l’accuse de relativisme parce qu’en lisant du Dupont-Aignan ou  Chevènement, j’ai du mal à trouver le lien de filiation entre ces deux personnes et La France Juive de Drumont ou Mein Kampf…

Ici, l’ami Slama nous a gratifié d’une apologie de la mort du politique.En gros, l’Europe est une donnée objective sur laquelle on n’a que peu de prise (et encore, prétendre qu’on en aurait une lui semble de l’ordre de l’utopie).

Du coup, dans la mondialisation, autre donnée qui n’est absolument pas le fruit d’une construction historique, et dans l’Union Européenne, la France a deux voies possibles (en résumant grossièrement) pour réduire le déficit  :

Ou la solution proposée par Sarkozy jouant sur le coût du travail ou celle incarnée par François Hollande de relance par la consommation. Mais de toute façon, l’Etat ne peut pas tout (qui prétend encore le contraire ?) et doit se redéfinir, et les principales réformes doivent porter sur la justice, le sociétal, le sens de l’histoire étant dans le désinvestissement du politique de l’économie, les pouvoirs publics n’étant là que pour créer les conditions de la confiance. Et attention, il ne faudrait surtout pas faire croire qu’un changement est possible !

La transition était donc facile vers le thème de la matinale : la Hongrie. Elle est fascinante cette passion actuelle pour la Hongrie. Et c’est à ce moment qu’est arrivée l’idée qui tue : la Hongrie de Victor Orban expérimente la politique que veulent tous les « eurosceptiques » (comprendre tous ceux qui sont critiques envers la construction européenne ou la politique de rigueur menée actuellement). Et là, je dis MERCI !

Merci de m’avoir révélé que je suis un nationaliste hongrois ! Déjà, hier, la nullité consternante des journalistes « politiques » de France Culture leur avait fait servir la soupe à Louis Alliot, notamment sur la Hongrie (je n’ai pas suivi la fin de l’interview, oui, de temps en temps, j’essaie de justifier mon salaire) … Et aujourd’hui, vouloir revenir sur l’autonomie d’une banque centrale démontre votre volonté de placer les médias sous contrôle étatique, de supprimer les contre-pouvoirs, de modifier à votre avantage le mode de scrutin … J’ai donc depuis ce matin un nouvel ami encombrant, Victor Orban.

Le mois dernier, il y a eu un battage médiatique sur l’inscription sur les listes électorales. On nous a sommé d’être de bons citoyens, donc de nous inscrire, à coup d’éditos plus ou moins moralisateurs.

Que le Parti auquel j’appartiens appelle à la mobilisation me semble effectivement nécessaire, encore que j’ai un doute sur l’efficacité d’une distribution de tract le 28 décembre … Que les médias se sentent investis d’une mission citoyenne, tant mieux ! Mais que ces mêmes médias qui faisaient la leçon jouent aujourd’hui les pyromanes en expliquant qu’il n’y a pas de différence, que de toute façon on ne peut rien faire, puis se livre à l’injure ou à la comparaison hors de propos à l’égard de tous ceux qui ne partagent pas le point de vus de leurs éditorialistes « stars » …

Je n’ai jamais été à la pêche. Je devrais peut-être y aller le 22 avril. Non ? Il se passe un truc le 22 avril ? Ah ? Une élection présidentielle ? Vous êtes surs? Il se décide des choses importantes ? Vous ne disiez pas il y a 5 minutes qu’il n’y avait pas de changement possible ?

Allons chers amis, encore une effort et vous serez peut-être vraiment démocrates. Si, si, je vous assure, vous n’en êtes pas si loin. Essayez juste de vous convaincre pendant une minute que l’électeur lambda, votre auditeur, un type comme moi, est un petit peu rationnel.

Essayez juste une minute de nous respecter, de croire que nous pouvons juger de la complexité du monde, et faire un choix lucide entre plusieurs bulletins de vote en comprenant les implications de ce choix. Essayez, ça ne coûte rien, de vous convaincre que la démocratie a un sens et que l’électeur n’est pas un singe à qui on demanderait de choisir entre des bulletins de différentes couleurs, que l’électeur sait fait faire la différence entre les polémiques stériles et les vrais débats … En un mot, soyez un peu plus journalistes et moins éditorialistes. Vous verrez que la pêche aura dès lors moins d’intérêt le 22 avril. Et qu’il n’y a pas de poster de Victor Orban dans ma chambre.

Je serais d’ailleurs bien incapable de le reconnaître dans la rue …

Simon J