Des mythes urbains du web: Disparitions des auto-entreprises et lois anti entreprises (Lyonnitude(s) )

Les lois de finances sont toujours l’objet de débats sans fins. Normal, il s’agit de faire les choix des recettes de l’Etat, de la manière dont elles vont être dépensées. On est au coeur de la politique. Et dans une société comme la notre, si on déclare à tout bout de champ qu’il faut faire des efforts, on est souvent moins disposé à les effectuer si ce ne sont pas les autres qui le font à notre place…

Cela est encore pire quand le fantasme se méle à une réalité qui peut aussi poser question.

Etant moi même salarié, autoentrepreneur et investisseur dans une entreprise créé il ya moins de deux  ans, accompagnant chaque semaine la création d’entreprises au titre de mon mandat, j’ai été très surpris par les bruits courants par ci par la.

Deux m’ont marqué et se sont parfois mélangés: 1-Celui évoquant que le gouvernement voudrait soit disant supprimer le statut d’auto-entrepreneur

2-Celui évoquant que le gouvernement ferait une loi de finance contre les entreprises…

J’ai du coup voulu me pencher sur ces deux mythes urbains survenus subitement sur la toile. Je vous conseille aussi, sur un cliché au sujet de l’entreprise en général, cet excellent billet de Olivier Bouba-Olga.

1 L’auto-entrepreunariat va-t-il disparaitre?

L’auto entreprise est une mesure relativement intéressante du gouvernement précédent. J’avais même remercié en personne le Ministre Hervé Novelli pour sa création.Elle est toutefois fort peu protectrice à l’heure actuelle mais a permis a un nombre conséquent de jeunes gens de monter leur première société.

Souci: monter une structure n’est pas remplir automatiquement son carnet de commandes. Aussi la moitié des autoentrepreneurs ne gagnent rien avec leur structure et neuf sur dix n’atteignent pas le SMIC. Ce qui n’est pas surprenant toutefois si l’on sait que pour beaucoup l’autoentreprise est une activité complémentaire même si certains en la montant se sont trop vite pris pour des Steve Jobs en finissant souvent dans les draps de poujade.

Cela est d’autant plus facile de gérer cela comme un complément que l’on ne paye pas d’impôts en cas d’absence de chiffre d’affaire. Sauf que à fin de l’année 2010, de nombreux auto-entrepreneurs, y compris ceux dont le chiffre d’affaires était nul, ont reçu un appel à régler la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE). Une somme allant de 200 à 2000 euros…Heureusement le gouvernement Sarkozy avait fini par reculer.

Dans le projet de loi de finances (et la chose a été confirmée par les députés de la commission) les auto-entrepreneurs continueront à être exonérés de tout impôt en cas de chiffre d’affaire nul.Oui contrairement à ce que l’on peut lire un peu partout sur le net de la part de personnes mal intentionnées ou mal informées.

Leur fiscalité sera alignée, en matière de cotisations fiscales sur les microentreprises, qui exercent pour un certain nombre d’entre elles les mêmes activités que les auto-entrepreneurs, notamment dans le conseil ou le BTP. Si le gouvernement n’a pas cédé au lobbys des métiers de l’artisanat qui souhaitaient la supression du statut, il a considéré que taxer différemment des entreprises de tailles semblables exerçant des activités similaires était justice. Compte tenu du CA réalisé par les AE en 2011 vous pourriez avoir en gros une augmentation de 3% des cotisations (12,4 % au lieu de 12% pour l’achat-vente par exemple) si on prend la base de 130 millions de taxes globales en plus, davantage dans certains secteurs comme le btp (ajout suite à diverses questions et à l’intervention de Fleur Pellerin ce soir: même si ces taux ne seront définitifs que lorsque la loi de finance sera votée bien évidemment, ils seront finalement intégralement ceux du secteur de référence dés la premiére année, on sera donc plutôt sur du deux à trois points)

On est loin donc de la mort de l’auto entreprise, antienne qu’on entend depuis quelques jours sur le web.

2 Le gouvernement fait-il une loi de finances anti-entreprises?

Depuis 24 ou 48h, une partie du monde des start ups est en émoi. Je n’ai pas compris de quoi il s’agissait au début puisque je recevait des tonnes de notifications d’invitations de gens ayant changé leur profil en photo de pigeon, à des manifestations contre un budget qui serait contre les entreprises. Parfois (ce fut heureusement rare mais pas assez) matinées de remarques sur le coût des étrangers ou des fonctionnaires ou des allocataires.Les femmes au chômage élevant seules leurs enfants encore prises pour cibles ?…bref ne passons pas notre temps sur les dérives minoritaires.

Que se passait-il? Le gouvernement avait pourtant annoncé son intention de baisser les impôts sur les sociétés des petites structures, le statut  de jeune entreprise innovante était remis sur pied et même étendu aux TPE ainsi que le crédit-impôt innovation.Les dispositifs ISF-PME étaient eux confirmés…

Alors? D’où venait cette croyance, au-delà des vieux mythes de certains fanatiques de droite, d’une gauche qui serait anti entreprise? Tout est parti d’un papier d’opinion, très intéressant, de Monsieur Chamborédon dans la Tribune.

Celui-ci, c’est son droit, plaide pour sa paroisse puisqu’il dirige un fond d’investissement, semblait s’inquiéter d’une hausse des taxes sur la cession d’entreprises, qui passerait selon lui de 32% à plus de 60%.

Abondament relayée sur le web, cette tribune a donné lieu à des papiers inquiets, le meilleur étant l’intéressant, quoi que sombrant parfois dans la caricature, billet de Olivier Bernasson. Et rapidement la rumeur avait fait le reste: les entreprises, toutes les entreprises allaient souffrir à cause de la loi de finances. Le tout chez beaucoup sur Twitter se mêlant à des considérations politiques et à des remarques pas toujours subtiles ni aussi intéressantes que les billets cités. Patrick Robin, pionner du web entrepreneurial en France, appellait d’ailleurs à plus de pondération dans l’expression.

Plusieurs remarques

1-On ne sait pas dans quelle mesure la fiscalité de la cession des start ups sera alignée sur le travail dans la loi de finance. Ce que disent les auteurs et les relayeurs, si elle s’appuie sur un projet en partie décrit dans la page 8 du projet , est en partie une supposition. D’autant, comme le fait remarquer Patrice Lamothe, patron de Pearltrees, que tout le monde a repris le chiffre de 60% sans vraiment le recouper. De même que celui sur le fait qu’une start-up sur dix survit seulement.Pour les sociétés à capitaux il y a 75,5% de taux de survie à 3 ans en 2011. Certes toutes ne sont pas des start-ups mais reste aussi à définir ce qu’est justement une start-up.

2-Si cette mesure était avérée, confirmée et votée telle quelle, elle concernerait surtout une minorité d’entreprises. C’est d’abord les start ups et dans celles qui font largement appel au capital risque que se situe la problématique. Un responsable de bistrot par exemple s’en moquera complétement pusque c’est son fond de commerce qui est son patrimoine entrepreneurial.

3-Si des mesures existent en faveur de l’entrepreneuriat dans la loi de finance, cette mesure ne touche nullement la capacité à entreprendre en soit. C’est d’ailleurs dans l’un des états US où les start ups ont un régime fiscal des moins avantageux que s’est créé la Silicon Vallée.  Ce qui est taxé davantage c’est revendre rapidement son entreprise, faire du patrimoine avec, pas  la créer, pas la faire fonctionner, pas la faire grandir…et d’ailleurs celui qui souhaite échapper à l’impôt sur la cession peut aussi réinvestir de nouveau dans une start-up.

Le vrai souci sur les fonds d’investissement

Mais là où il peut y avoir un souci, comme le dit avec justesse comme toujours Pierre Col, avec ce qu’ont dit également Chamborédon et Bernasson et sur ce quoi je suis d’accord, c’est de décourager les capitaux risqueurs d’investir dans les entreprises. Sachant qu’il y a encore trop peu de d’investisseurs de ce type en France, on pourrait avoir de réels questionnements sur certaines sociétés. Même si se partager 40% de l’équivalent d’un Free ou d’un Meetic, ça reste des plus lucratifs…et si aujourd’hui le capital-risque n’est plus, loin de là; le seul moyen de financement de l’innovation.

Par ailleurs, il est difficile de taxer des sommes qui rapportent, au moins sur de courtes périodes dans le pire des cas, de l’emploi et de l’activité alors que les cessions immobilières qui n’en créent pas sont peu taxées. Tout investissement qui va dans le sens de la création d’emploi et de richesses se doit d’être soutenu.

Pour ma part, si je comprend l’inquiétude de certains entrepreneurs (le mouvement, si il a fait un buzz massif sur twitter et Facebook est resté confiné au monde du web, dont une partie très minoritaires des acteurs sont concernés) et leur volonté de se mobiliser  j’ai tout de même été surpris de la virulence des réactions de certains sur ce qui n’est qu’une rumeur. A se demander presque si une instrumentalisation politique bien classique ne s’est pas trouvé à un maillon de la chaine pour quelques uns. Je pencherais plutôt pour un échauffement des esprits.

Je ne doute en tous cas pas, au vu de la priorité donnée à l’emploi, que nombre d’énervement de ce jours se soient faits pour une fausse alerte et que le gouvernement dissipera rapidement le souci.

Merci à rue 89 qui a repris ce billet