Don du sang par les gays : ne pas transformer un progrès en impression de recul

Ce matin au bureau pendant ma pause thé vert japonais, je reçois une alerte du journal Le Monde: Les homosexuels vont avoir le droit de donner leur sang suite à une décision du gouvernement. Cette discrimination qui aura duré 32 ans tombe. Je ne peux que m’en réjouir, ayant en mon temps rédigé une lettre collective à ce sujet sur le présent blog. A l’époque la Ministre était Roselyne Bachelot.

J’étais content donc de cette avancée. Et je l’ai tweeté avant de reprendre mes dossiers. Sauf que…

Sauf qu’on m’a fait remarquer que les conditions étaient draconiennes pour donner un peu de son fluide vital afin de sauver la vie d’autrui. Si et seulement si on est homosexuel. Il parait qu’il y a du sang gay et du sang hétéro…

En effet si on est un garçon qui aime les garçons il ne faut pas avoir eu de rapport sexuel depuis…un an pour pouvoir faire un don sanguin.  Ce qui est tout de même des plus draconiens. Les hétéros eux peuvent s’envoyer en l’air, à condition d’être protégés ou en liaison des plus régulières. Enfin j’exagère un peu : pour les hétéros c’est quatre mois sans avoir eu de rapport ou alors avec un ou une partenaire régulier. Les lesbiennes également. Par contre les hommes qui aiment les hommes doivent être chastes. C’est toute l’industrie des boites de nuits gays qui vacille !

Il sera par contre possible, à condition d’une abstinence ou d’avoir eu un seul partenaire dans les quatre derniers mois de donner son plasma, moins sujet à contagion. A l’étranger les conditions varient et pas toujours dans le sens qu’on croit : par exemple les USA ou l’Allemagne interdisent les transfusions venant d’homos. Le Canada exige parfois jusqu’à cinq ans d’abstinence. Par contre la Russie (oui!) autorise le don de sang de la même façon à tout le monde.

Certes des précautions sont à prendre pour sécuriser les transfusés. Il me semble difficile d’être un aficionado des sex-clubs, d’avoir des rapports bareback et de donner son sang le lendemain sans précaution. Mais reste que cette méfiance d’emblée, qui ne s’applique pas de la même façon aux hétéros peut laisser un sentiment de méfiance. Même si les études sont formelles: les homosexuels mâles sont les plus touchés par les maladies sexuelles, à commencer par le VIH. Et qu’on imagine la vague d’homophobie si des transfusés étaient infectés faute de précautions. Ce qui a amené d’ailleurs certaines associations de lutte contre l’homophobie et le VIH à soutenir cette précaution.

Reste que ce délai d’un an peut avoir l’air excessif. Et faire passer paradoxalement la fin, même incomplète, d’une différence de traitement, pour une stagnation. Il faut à ce moment là communiquer un peu mieux. Et voir comment continuer à progresser dans le sens de plus d’égalité tout en préservant la sécurité des transfusés. Tant mieux : une seconde étape est annoncée dans deux ans.