Grosses polémiques sur la béatification par le Pape Benoit XVI de religieux catholiques tués pendant la guerre civile.
La chose me semble a étudier tant sur le plan politique que sur le plan religieux tant les deux aspects sont intimement liés.Pourtant nombre de commentateurs ne se sont focalisés que sur la premiére face du problème.
L’évènement est évidemment choquant pour moi, de par ma conception de la démocratie, de mes opinions politiques.
Mais aussi, parce que profondément laic, je suis également chrétien pratiquant, membre de l’Eglise Réformée de France, ne fais pas partie de ceux qui conchient le christianisme à tout bout de champ.
Je trouve d’ailleurs dramatique la façon dont les chrétiens d’Orient sont persécutés et choquant le silence autour de cela, juste parce que la cause ne fait pas partie de la liste agréé par l’internationale des bien-pensants.
En fait c’est aussi justement la lecture à sens unique d’une part et quasi-utilitariste du christianisme d’autre part par le Pape dans cette affaire qui me choque,c’est aussi le croyant en moi qui trouve à redire.
Ce n’est pas un simple problème de protestant face à un Pape, c’est surtout une conception de la religion chrétienne qui me pose question.
La torture, le meurtre de religieux quels qu’il soient, uniquement pour leur appartenance, leur défense de leur foi est choquante, bien évidemment, tout humaniste quel que soit son bord en conviendra.
C’est d’ailleurs, commençons par la politique avant d’entamer la chose religieuse, pour défendre cela que certains blogs de droite français (pas tous, loin de là) ont engagé, dans un combat douteux, le fer pour défendre l’initiative de Benoit XVI.
Pour certains d’entre eux la chose semblaient quasi-pavlovienne: ça emmerde les socialos espagnols, c’est une initiative du pape, ça permet de se sentir politiquement incorrect, de sembler respirer le souffre en ayant l’air de défendre le franquisme sans le faire vraiment,allez fonçons…
Georges Bernanos,écrivain de droite témoin de ce conflit disait d’ailleurs dans ouvrage le relatant « Les Grands Cimetiéres sous la lune« :«L’imbécile est d’abord d’habitude et de parti pris.»
C’est ce qu’ont compris toutefois la majorité des internautes conservateurs français,qui, lorsqu’ils ont abordé la chose, ne se sont pas aventurés dans les limbes de cette droite espagnole qui sous le vernis de la modernité, a des soubresauts de défense du régime fascisant espagnol, un « surmoi franquiste » à chaque occasion.
Certains, un peu partout, accusent le gouvernement espagnol d’avoir réveillé les vieux démons en faisant voter une loi de souvenir des victimes du franquisme.Mais quoi de plus normal? Les rues des villes du pays de Cervantes sont pleines de noms et de statues de dignitaires du régime, de soldats qui ont renversé la république et la démocratie.
Collége public Generalísimo Franco, Hôpital General Yagüe, Calle General Mola (Généraux de l’armée franquiste), Calle Héroes del Álcazar (groupe de cadets franquistes) , Calle del 18 de Julio (jour du début du coup d’Etat militaire), Plaza José Antonio Primo de Rivera (Inventeur de la phalange, qui servira de base au parti unique du régime)…
A noter d’ailleurs que ce dernier et Franco sont enterrés dans des mausolées publics, un peu comme si en France on les avait mis au Panthéon…
Il en est jusqu’à la division Azul (rappelez-vous de Biscuter, le copain de Carvalho dans les polars de Montalban), qui combattit au côté des nazis, et qui possède une fondation avec pignon sur rue et certaines voies portent aussi le nom de cette unité militaire dans plusieurs villes.De même, il a aussi fallu attendre 2005 et Zapatero pour que la dernière statue de Franco soit déboulonnée de Madrid…C’est dire.
Du côté des républicains, fort peu de choses existent pour se souvenir des douleurs et des combats.On ne le réalise pas de ce côté des Pyrénées où l’on a plutôt de la sympathie en général pour la démocratie renversée par un groupe de militaires.
L’histoire ne retient que les vainqueurs et la nécessaire réconciliation après la mort de Franco a laissé un grand vide.C’est cela aujourd’hui que veut compenser la loi sur les victimes républicaines.
Cette loi, celle facilitant le divorce, celle sur le mariage homo n’ont pas plu à l’Eglise catholique et ceux-ci ont voulu dans ce contexte béatifier 498 religieux hispaniques tombés sous les coups des républicains pour rappeler au gouvernement socialiste espagnol qu’il fallait compter avec le catholicisme dans le débat public . La chose a un côté instrumentalisation des morts.On a l’impression d’une instrumentalisation assez glauque pour faire pression sur le gouvernement.
Je ne dénie pas aux représentants du catholicisme le droit de donner leur avis, d’ailleurs nombre de ceux à droite qui soutiennent le Vatican quand il attaque le gouvernement socialiste espagnol sont les premiers à demander aux évêques de se taire quand ils prennent des positions qui ne plaisent pas leur camp comme la loi sur l’ADN…L’église catholique se serait-elle pour eux qu’un simple instrument aujourd’hui ? C’est faire bien peu de cas de la foi.Parce contre bien évidemment comme toute position publique, elle se discute lorsqu’on ne croit pas comme moi à l’infaillibilité pontificale qui, pour l’anecdote, n’a été instaurée comme doctrine qu’à la fin du XIXe siècle…
Par ailleurs l’intervention papale n’était pas non plus complètement exempte d’arriéres-pensées matérielles…En effet, la loi sur la mémoire, outre le fait qu’elle va officialiser le fait que le franquisme fut une dictature (ce qui a semblé choquer Valeurs Actuelles -décidément- et d’autres médias et blogs de droite) va donner la possibilité de refuser des subventions aux organismes qui continuent à célébrer le régime de Franco.Les bâtiments des églises pourraient être concernés, ceux-ci affichant fréquemment des plaques ou des autels commémoratif du souvenir des soldats nationalistes « Morts pour la patrie et Dieu ».
Et puis l’Eglise Espagnole, en tant qu’institution du moins, a souvent regardé d’un oeil plus que bienveillant l’ancien régime.C’est d’ailleurs en partie ce soupçon de collusion qui a amené à des massacres horribles de catholiques par des excités, parmi eux ceux qui sont précisément béatifiés ici.
Le problème est que la célébration est fort sélective: On n’honore ici que les victimes des républicains et ni les prêtres basques tués par les armées nationalistes ni les religieux républicains tombés sous les balles franquistes.On occulte aussi le fait que l’ensemble des massacres de civils nationalistes sont bien plus élevés que côté républicain.On m’objectera que le rôle de l’Eglise dans l’affaire est de penser à ceux tomber pour leur foi.C’est vrai.Mais les basques et les prêtres de gauche tués par les franquistes l’ont été car ils n’avaient pas la même vision du christianisme qu’eux…
En fait c’est quelque part la position prise par l’institution Eglise Catholique et non les croyants dans leur ensemble (nombreux également dans le camp républicain, logique dans un pays comme l’Espagne) que célèbre ainsi Benoit XVI…
Ni Jean XXIII, ni Paul VI, ni avant eux Pie XII n’avaient voulu se précipiter et raviver la flamme de la collusion entre certains évêques espagnols et le franquisme.C’est Jean-Paul II qui le premier a commencé une forme de reconnaissance de ce régime
A noter d’ailleurs une importante plate-forme de prés de 150 associations chrétiennes qui ont demandé une action moins partisane en matière de reconnaissance des victimes, incluant également les morts républicains…Pour la bonne bouche je viens aussi d’apprendre que les protestants n’avaient pas le droit d’avoir leurs bibles.Protestant dans la ville évoque le cas d’une de ses amies qui passait des bibles réformées en fraude dans le coffre de sa voiture pendant le franquisme.
Mais au fait, qu’est-ce qu’une béatification ? Il s’agit pour l’Eglise de proposer les personnes promues au rang de bienheureux comme des exemples de vie.C’est, pour le Vatican, le rang juste en-dessous du Saint.
Beaucoup de papes étaient réticents à la béatification collective. Une vie exemplaire c’est un acte individuel qui l’améne, non le fiat de faire partie d’un tout.Sur les prés de 500 victimes ici concernées, combien prises individuellement n’auraient jamais pu être citées comme exemple?
Cette béatification est la plus importante numériquement de l’histoire.Est ce à dire que le moment le plus triste et en même temps le plus empli de gens exemplaires furent l’affaire de ces catholiques nationalistes espagnols? Quand on regarde l’histoire de la chrétienté, la chose est fortement à mettre en doute…
Et puis, c’est mon côté protestant, au non de quoi un individu, fut-il chef du Vatican, est-il fondé à dire qu’un tel est un bienheureux conforme à ce que veut Dieu et à le décréter administrativement selon des critères subjectifs? Franchement ?
Il devrait peut-être méditer cette phrase »La folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes. »1 Cor 1.25
C’est d’ailleurs ce que m’ont dit beaucoup d’amis catholiques partisans d’une église recherchant, comme c’est sa mission premiére dans le Nouveau Testament, le salut universel…N’est-ce pas justement cela le sens premier du mot catholique ?