Le style de l’homme libre – Romain Blachier

Depuis son entrée en politique, Michel Rocard ne laisse jamais indifférent.

Sa personnalité, franche, curieuse, intelligente, la tradition qu’il a contribué à construire, la deuxième gauche, une sociale-démocratie exigeante sur les valeurs et l’efficacité, l’éthique, le franc-parlé arrosé d’une bonne dose de valeurs libertaires, tout cela forme un cocktail que certains adorent vraiment pendant que d’autres détestent cordialement.

Je fais largement parti des premiers, bien qu’arrivé aprés la bataille des européennes de 1994 qui vit l’ancien Premier Ministre renoncer à un rôle de présidentiable.Et la tradition rocardienne reste trés vivace dans ma section, y compris chez les plus jeunes.C’est toujours un plaisir de l’entendre et ce ne sont pas les auditeurs de sa réunion de soutien à Najat Vallaud-Belkacem pendant les législatives qui me détromperont.

Le protestant Rocard est fort logiquement un iconoclaste qui, une fois libéré des contraintes de la langue de bois qu’exerce aujourd’hui le jeu des courants et du politiquement correct socialiste dit des choses décapantes, souvent justes et toujours d’une intelligence méticuleuse.

Son hospitalisation récente en Inde a révélé, de par l’émotion qu’elle a suscitée, que Michel Rocard est un homme extrêmement populaire dans notre pays.

Sa derniére sortie en date est assez drôle et polémique.

Il a récemment avoué avoir demandé à Ségolène Royal de se retirer à son profit, ce qui m’a, à titre personnel, soufflé tant la proposition marquait un toupet et une confiance en soi inébranlable.

La chose est surprenante mais oui.

Il a demandé à Ségolène Royal, dont il dit qu’il est impossible de la critiquer car il faudra attendre quelques passages de femmes médiocres en politique avant qu’il soit sereinement possible de parler en toute égalité d’une personne politique de sexe féminin sans être accusé de sexisme, de lui laisser la place, en Mars, quand tout semblait fichu, afin de sauver les meubles.

« il n’y avait plus rien à faire, elle était fichue, c’était visible ». « Je savais que je restais toujours parmi les cinq ou six socialistes en tête des sondages. C’était une possibilité d’éviter la défaite. Mais il était peu probable qu’elle dise oui. »

La chose aurait pu être amusante et séduisante, elle me fait sourire rien qu’a imaginer la tête de certains hiérarques mais me parait peu réaliste.Imaginons la panique des socialistes devant un changement de cheval au milieu d’une course.Et surtout la candidate a été désignée par des militants peut-être pas trés contents de voir leur choix invalidé par une discussion de couloir…Evidemment Ségolène a refusé ce qui est logique.

Rocard explique aussi qu’il lui semble que DSK aurait pu gagner, contrairement  la candidate sur qui il dit que  « charme et l’innovation ne jouent en rien (…) pour aider à la paix au Moyen-Orient ou à la stabilisation du dollar et de l’euro ».

Bref, le style de Rocard est décapant.Son affirmation de vouloir continuer à travailler sur la renovation socaile-démocrate est rassurante.Mais son toupet et son franc-parler d’homme libre ne vont, en tout état de cause, pas que lui attirer des amis…