Les croyants sont-ils plus bêtes que les autres ? Pas sûr | Romain BlachierRomain Blachier

Une synthèse d’études ‘The Relation Between Intelligence and Religiosity: A Meta-Analysis and Some Proposed Explanations’ réalisée par des chercheurs de l’université de Rochester, dans l’Etat de New York et popularisée par le journal britannique The Independent rapporte que les personnes athées auraient plus souvent tendance à être intelligentes que les croyants.

Intéressant en ce jour où les catholiques fêtent l’assomption et où le fanatisme religieux brûle des églises en Egypte.

Dirigée par le Pr Miron Zuckerman une équipe s’est plongée pour réaliser ce travail dans les conclusions de plusieurs études menées depuis 1921 aux Etats-Unis.

Dix d’entre elles considèrent qu’il y a égalité ou plus grande intelligence des croyants par rapport aux athées. Cinquante-trois autres arrivent à un résultat inverse : une « relation négative » entre religiosité et intelligence.

Aussitôt l’article et ses reprises en français, notamment par Slate, a été diffusé un peu partout, accompagné de diverses blagues plus ou moins de bon goût sur ces « imbéciles de croyants, bien plus bêtes que les athées, ah ah ! on vous l’avait bien dit. »

Il y a bien sûr surtout une grosse dose d’humour dans les propos des diffuseurs.Tant mieux, la religion se doit d’être sujet de joie plutôt qu’histoire de peine.

Et puis, comment ne pas envoyer des piques quand une figure médiatique et religieuse comme Christine Boutin donne une image si caricaturale des croyants ou qu’un tribunal de Dubai ai condamné dans un premier temps une femme violée à de la prison au nom de préceptes religieux? Et puis, se sentir plus intelligent que d’autres sans rien à voir à faire pour cela, est humain, pourquoi se refuser un petit plaisir d’été ?

Que dit réellement cette étude sur le rapport entre l’intelligence et la foi? Et c’est quoi l’intelligence ?

Bien peu ont vraiment lu l’étude elle-même. Qui dit déjà surtout que les personnes intelligentes ont plus de chances d’être athées et non que les croyants sont plus bêtes que les autres

En effet le travail porte surtout sur l’étude de groupes de personnes disposant d’un fort QI et non de personnes religieuses comparées à des athées.

Autre remarque: la définition de l’intelligence dans l’étude est uniquement basée sur le QI. Comme le souligne The Independent la définition retenue est hélas purement analytique et en néglige certains aspects comme la créativité et l’intelligence émotionnelle. Le protestant Jean-Sébastien Bach ou le poète musulman Abû Saïd ibn Abû al-Khaïr ne pourraient être que d’accord avec le fait que la définition retenue est restreinte. Pareil pour Gardner, inventeur du concept des « intelligences multiples » dans son célèbre ouvrage Frames of Mind.

Et puis la grande représentation des athées dans le milieu scientifique, celui où la synthèse d’études trouve les plus hauts QI est un fait acquis depuis longtemps. C’est d’ailleurs la faute dans beaucoup de pays à une représentation souvent très dogmatique et peu compatible avec la science de la religion.

Il peut être très difficile par exemple à un biologiste de devenir ou de rester chrétien si il pense ou qu’on lui explique que le monde a été créé en sept jours. Et un étudiant croyant de façon littérale aura bien du mal à faire son chemin dans le monde des sciences. A la fois par rapport à sa foi, à la fois par rapport au milieu scientifique.

Mais nous sommes nombreux à concilier notre foi et une adhésion aux préceptes scientifiques. Jésus a-t-il vraiment marché sur l’eau ? Le Christ disait lui-même que cela n’avait pas d’importance…

Et en occident, par exemple aux USA où se déroulent la plupart de l’objet d’étude,aller à l’université n’a plus de corrélation avec le fait de devenir athée. C’est même l’inverse: ceux qui vont à l’université gardent plus souvent la foi que les autres !

Cela amène à une autre critique et observation sur l’étude: qu’est-ce que la religiosité, définie par les auteurs comme une adhésion à des dogmes religieux? Là aussi il y aurait lieu de s’interroger : à quel niveau et comment? Avoir la foi est-ce forcément être dans des dogmes? et si il y a dogmes, à quel niveau? Renaud (le chanteur) protestant déclaré, est-il à mettre sur le même plan que Sarah Palin ?Le rappeur Adbd El-Malik est-il à mettre sur le même plan dans son rapport à la foi qu’un taliban? Les catholiques Odon Vallet et Jean-Baptiste Descroix-Vernier ont-ils le même rapport à l’autre, à la science et à l’intelligence qu’un leader de Civitas?

Poser la question c’est bien évidement répondre par la négative. Ce qui ne veut pas dire par exemple qu’il y aurait des athées et des croyants laics intelligents d’un côté et des dogmatiques stupides de l’autre, juste que les éléments de mesure sont questionnables.

Complexe question que le dogmatisme. Qui s’applique aussi aux athées. Qui sont capables de liberté comme de dogmes forts dans leur croyance de l’inexistence du divin.

Tiens et si, sceptiques, croyants, athées, on mesurait l’intelligence des dogmatiques et des autres?