Sur les gilets jaunes : nos incohérences collectives. – Romain Blachier

Nuit Debout, les bonnets rouges ou les manifestations type #ilestencoretemps. Aujourd’hui les gilets jaunes.

Chaque mouvement de” masse” provoque une récupération/ fascination dans le monde politique. Même si la masse est bien sûr à valoriser : 99,6% des Français n’ont pas participé à la manifestation des gilets jaunes samedi et dimanche. Mais comme à chaque fois qu’un mouvement collectif se lance, une vraie sympathie se manifeste dans l’opinion.

Opinion, politiques, des sympathies pas toujours cohérentes

Nombreux sont les sondés interrogés à exprimer une sympathie pour les gilets jaunes, mouvement lancé sur un mode d’ordre de moins d’impôts sur les carburants fossiles et polluants. Les 5 pétitions les plus signées en ce moment sur change.org sont, loin devant la question de la misère, celle d’une demande de la baisse du prix des carburants fossiles à la pompe.Et une bonne partie de cette opinion qui les soutient est la même qui demande des efforts radicaux en matière environnementale. Mais qui recule dès la première mesure prise.

Des politiques tout aussi incohérents que nombre de français

On ne saurait blâmer l’opinion quand on voit l’incohérence des politiques français : La France Insoumise qui propose d’augmenter le gazoil pendant la présidentielle, se défini comme écologiste, participe au mouvement #ilestencoretemps, se trouve également à soutenir les gilets jaunes par envie de récupération. Fermant les yeux sur certaines dérives du mouvement.

Laurent Wauquiez, qui soutenait un candidat proposant d’augmenter fortement les taxes sur la consommation des français, se pose aussi en soutien du mouvement. EELV, qui a souvent raison en matière de transports, est aux abonnés absents dès que monte la moindre contestation. Quant à la majorité, si elle a raison de pointer la nécessité de la transition écologique, elle gagnerait en cohérence à y consacrer davantage de moyens sur le budget de l’Etat et régulation. Et à éviter certaines mesures déplorables sur l’huile de palme, même si certains deputés de ce camp font aussi d’excellentes choses dans ce domaine. Une huile de palme au passage que nous condamnons tous en tant que citoyens mais que beaucoup défendent en tant que consommateurs de Nutella.

Gilets jaunes : un argument biaisé mais qui s’en soucie hélas ?

Le mouvement des gilets jaunes est diffus certes mais repose tout de même au départ sur la revendication de la voiture individuelle. Qui, contrairement à ce qu’on dit n’est pas utilisée forcément par des rurbains pauvres. Les chiffres sont là : les revenus aisés roulent plus et consomment plus d’essence que les personnes des milieux populaires. Et habitent souvent plus loin de leur lieu de travail que les plus pauvres

Et la plupart des trajets domiciles travail font moins de 5 kilomètres.
 Parmi les Français qui travaillent à moins d’un km de leur domicile, pratiquement six sur dix (58,4 %) se déplacent en voiture.

Le rôle du politique ne doit pas se résumer à la colére

Certains intellectuels ou politiques cherchant à se donner un vernis “peuple” arrivent à y voir l’expression populaire, d’autres y voient un rassemblement de réacs . Ce qui est sûr c’est qu’il y a un sentiment un peu global de déclassement.

Y compris on le voit chez certains des manifestants les plus huppés, pas toujours les derniers quand il s’agit de refuser de contribuer. Mais on a aussi vu des gens modestes, mêlant à cette histoire de carburant un sentiment d’injustice globale,de salaires bas et d’ascenseur social bloqué. Un sentiment d’injustice global qui ne se laissera pas convaincre par des arguments mentionné plus haut. Ou même d’autres, qui expliquent clairement qu’on a besoin de bien moins de temps de travail qu’avant pour acheter de quoi se déplacer sur 100 kilomètres…

En politique la tentation est grande de récupérer une colére médiatisée (et qui bénéficie de la part du Figaro comme de BFMTV de bien plus de bienveillance que quand les syndicats manifestent). Mais le rôle de la politique est aussi de donner un débouché à la vie des gens. Pas juste d’essayer de profiter leur colère.