Le rituel des bureaux de vote

Le rituel peut avoir l’air immuable. Quelque part il l’est. Un goût de république. La IIIe, celle des prix de civisme, des moustaches et des redingotes. Et des blouses. Celle qui a fini la démocratie dans le pire blues.

Les élections. Les bureaux de vote. Le café trop léger et insipide. Ou à l’inverse âpre et brûlant. Qui réveille d’une nuit courte et d’un dimanche de maigre matinée. Les urnes qu’on ouvre pour en vérifier le vide et la loyauté vis à vis du scrutin. Les assesseurs des différents partis (quasiment toujours socialistes ou LR dans les bureaux de chez moi, on dirait que les autres ont bien du mal à aider à organiser le scrutin ).  Assesseurs parfois en nombre insuffisant : la démocratie on en parle sans toujours la faire vivre assez, sans toujours prendre la peine de prendre du temps, de comprendre, d’agir. La posture du dégoûté est toujours valorisante.

Et les gens du quartier qui viennent voter et qu’on reconnait dans le bureau Avec qui on papote, on prend des nouvelles. La tarte aux poires qu’on t’amène, préparée par une amie qu’on mange dans des assiettes en plastique blanc. Avec le même café trop léger ou trop âpre.

Les électeurs, âgés le matin. Bien plus rajeunis le soir. Plutôt à droite vers poltron-minet. Et plutôt à gauche en retour de week-end et en réveil de soirée de fin d’aprem. La patience. Les clopes fumées dans les préaux d’écoles, devant les gymnases ou les mairies. Les panneaux d’affichage devant les bâtiments. Couleurs, logos. Visages  dessus qu’on reverra dans l’année pour certains. Visages qu’on ne reverra qu’à la prochaine élection pour d’autres. Panneaux à recoller quand on vient de te déchirer ton affiche. Le plateau repas, sujet de longs commentaires.  Ne pas parler de politique partisane devant les électeurs dans le bureau pour ne pas influencer le vote. Et aussi le plateau-repas.

La fente de l’urne qui tinte. Les « a voté ! » à une cadence rare comme une bonne nouvelle dans un temps de galère ou à l’inverse à un rythme digne d’une usine de fabrication chinoise aux heures de pointe. Les blagues des gens qui viennent voter. Les indications qu’on doit donner à ceux qui sont perdus. Qui se sont perdus. Les « on en est à combien de votants ? » en regardant le compteur de l’urne. Les rumeurs sur tel ou tel événement survenus nationalement ou localement.

Et puis le comptage de vote. Les tas de bulletins. Les enveloppes. Le scrutin.Les scrutateurs qu’on a recruté tout le long de la journée pour qu’ils viennent aider au travail et qui ont dit oui au milieu de certains non. Les rencontres et discussions en attendant la mise en place. Souvent sur l’abstention en pourcentage. Un peu comme on parle de météo en degré. Même conversations peu impliquantes sur le climat politique et le climat météorologique. Conversation aux téléphone des militants dans les bureaux de vote en remontée et en descente d’informations. Et mêmes textos reçus de demande de résultat alors que le dépouillement n’a pas encore commencé.

C’est un rituel. Pas immuable. Mais qui se répète. Chaque jour de vote.