Au Québec, Melodie Nelson est un vrai phénomène, dans tous les sens du terme. Blogueuse, chroniqueuse de presse féminine, auteure la demoiselle est la spécialiste de l’écrit cru tout terrain.
Je l’avais découverte dans les plis de la toile. De nom gainsbourien, la demoiselle a sorti un ouvrage, sobrement intitulé « Escorte » qui a beaucoup fait parler de lui puisqu’elle raconte son expérience de call-girl, sur un ton léger et badin mais sans non plus de complaisance. Le livre a bénéficié d’un lancement multimédia intense, avec extraits lus par l’auteur en podast sur Itunes, bande-annonce de l’ouvrage etc…
A l’intérieur des couvertures, la langue est souvent crue, le livre toujours passionnant. On est ici dans le jubilatoire souvent, l’introspection parfois, l’affrontement de la bêtise humaine de temps en temps. J’ai voulu en savoir plus. C’est avec gentillesse et enthousiasme la demoiselle a accepté de répondre à mes questions et de m’envoyer la photo ci-dessous qu’elle a choisi pour illustrer le présent billet.
1- Peux-tu te présenter et quel est le sujet de ton livre ?
J’ai déjà tenté d’être normale, mais ça n’a pas fonctionné, alors je suis devenue Mélodie Nelson. J’ai vingt-cinq ans et des seins gonflés à l’eau saline. Je suis une auteure, chroniqueure, adoratrice de pitbulls roux, blogueuse, princesse addict au vernis à ongles et à la vodka. Et ex-escorte. Mon livre porte justement sur mon expérience d’ex-escorte : il raconte sans censure et avec une dose d’humour mon quotidien d’étudiante en littérature-qui-mange-des-cheeseburgers-et-lit-Samuel-Beckett et mon quotidien d’escorte-qui-magasine-baise-avec-le-sosie-de-Mickey-Rourke-et-utilise-des-condoms-à-saveur-de-menthe.
2-Quel est la législation sur la prostitution à Québec ?
La législation sur la prostitution m’apparaît hypocrite : la prostitution est légale, mais pas la majorité des actes reliés à la prostitution. Par exemple, la sollicitation est interdite. Je crois beaucoup à la décriminalisation de la prostitution : ça permettrait un meilleur échange entre toutes les instances concernées (travailleurs du sexe, clients, gouvernement) et une sécurité renforcée.
3-Tu présentes ton expérience d’Escort comme un truc plutôt sympa,on
dirait presque que c’est une expérience que tu conseilles ?
Je ne prétends pas conseiller cette expérience, car je sais que ce n’est pas tout le monde qui s’y épanouirait autant que moi. Ça été une expérience très positive pour moi, car avant je me considérais comme une fille plutôt sombre, perdue. Être escorte m’a permis de mieux me connaître, et d’accepter ma féminité, mes désirs, et une nouvelle légèreté d’esprit. J’avais choisi d’être escorte pour l’argent rapidement gagné et pour comprendre les désirs des hommes, mais en fait, ce sont les miens qui m’ont été révélés. Il me faut toutefois ajouter que dans mon livre, je ne cache pas mes expériences plus difficiles, comme lorsque le ménage à trois pénible avec deux copains.
4-Es-ce que dans ta démarche, tu cherches à déculpabiliser les
prostituées et leurs clients ?
En quelque sorte, oui. J’ai écrit ce livre pour les autres travailleurs du sexe qui se sentent encore obligés de cacher leur occupation, et de mentir. Moi ce que j’ai trouvé le plus difficile de mon expérience d’escorte, c’est le mensonge. J’ai aussi écrit en espérant que les lecteurs s’aperçoivent que les clichés entourant les prostituées sont souvent faux. Dans mon agence, aucune fille ne faisait ce travail pour se payer de la drogue, et nous avions le droit de refuser n’importe quel client avec qui nous ne nous sentions pas à l’aise. Au Canada, nous parlons souvent de la prostitution de rue, rappelant son danger, mais ce n’est que vingt pour cent des prostitués qui travaillent ainsi. Il est nécessaire de savoir que la majorité des travailleurs du sexe sont des gens intéressants, cultivés, propres et aimant réellement se servir de leur corps pour donner du plaisir.
5-Tu es toujours avec ton chéri de la fin du livre?
Oui. Jamais je n’aurais cru vivre une histoire à la Pretty Woman, mais c’est ce qui s’est produit. Je suis tombée en amour avec un client. Nous formons un couple comme un autre, sauf que je crie plus fort au lit ou sur le balcon, que je lave la vaisselle habillée en Blanche-Neige, et qu’il est très fier que j’aie préféré sa queue à celle de mille autres mecs.
6-Tu t’intéresse à la politique ? Si oui quelles sont tes opinions.
Je m’intéresse à la politique, mais j’ai plus de difficultés à en discuter. Je suis capable de décrire un lavement anal, le durcissement de mes tétons dans un café trop climatisé, ou mes couleurs de vernis préférés, mais lorsqu’il est question de politique, ou d’argent, je suis plus pudique. Je crois que tout citoyen a comme devoir de bien s’informer, je lis plusieurs journaux par jour, mais je ne signe pas de pétitions, ni ne participe à des manifestations. Je m’investis plus pour la cause de la décriminalisation de la prostitution, la défense des animaux et la recherche sur le sida.
Un site intéressant à consulter, fait par et pour les travailleurs du sexe, est http://chezstella.org/ .