Mitterrand. François. Quinze ans après. En parler. Dire son ressenti. Allons-y. D’ailleurs une chaine de blogs a été initiée sur le sujet par Yann Savidan, relayée par Nicolas J (qui trouve que je fais minet ce qui est plutôt flatteur passé 30 ans) qui ont taggué entre autres Isabelle, Valérie, MHPA, Gildan, Le Coucou,Juan, Philippe Méoule, CC, Rimbus et David .
Je n’ai jamais été Mitterrandolatre. Je suis déjà trop jeune pour appréhender sur l’instant 1981. J’ai 5 ans…Je me souviens juste des adultes autour de moi très inquiets et puis quelques disputes entre la poignée de gens qui avaient voté Mitterrand dans ma famille et la grande majorité qui avaient choisi Giscard. Et puis tout cela est devenu plus lointain quand ma famille a déménagé à Mayotte.
Je suis entré pour la première fois dans la fédération socialiste du Rhône, dont je fais partie aujourd’hui de la direction, le lendemain ou le jour de la mort de Mitterrand.
Je n’arrive plus à me souvenir exactement, en tous cas c’était juste après sa disparition. Il y avait un portrait géant de Mitterrand à l’entrée qui restera près de l’équivalent de deux septennats après la fin de l’homme de Jarnac.
J’avais des cheveux longs, des docks marteens, un peu plus de 30 kilos de moins qu’aujourd’hui, dans une année de Sciences-Eco partant à vau l’eau à cause du mouvement de 1995, des histoires de filles et de la redécouverte de Lyon, des vêtements de chez kiloshop et j’étais un syndicaliste étudiant engagé. Et, cela au moins n’a pas changé, malgré un activisme dans des actions parfois rudes , des nuits trainées dans des squatts alternatifs, j’étais désireux de renforcer l’aile sociale-démocrate du PS. Je venais de découvrir un type formidable: Michel Rocard, qui venait de rentrer dans mon petit panthéon perso avec Jacques Delors et JM Keynes. J’avais aussi vaguement remarqué un petit jeune qui avait fait un bon discours au congrès à Versailles l’été d’avant: Dominique Strauss-Kahn.
Lorsque j’ai commencé à me sensibiliser réellement à la politique, Mitterrand était un type gris et lointain, en fin de second mandat, tellement grisâtre que je crois avoir été content de la victoire des conservateurs en 1993…petit con.
Et puis c’était le temps des affaires cette fin de second septennat. Il y en avait moins qu’aujourd’hui sous Sarkozy mais elles étaient marquantes. Mais surtout un sentiment de grisaille. Sympathisant de gauche, c’est justement Lionel Jospin, candidat en 1995, qui incarnait un socialisme débarrassé de pas mal de scories et dynamique. Si j’ai souhaité adhérer au PS après les présidentielles et mon premier vote de ma vie qui sera pour Jospin aux deux tours, j’étais ennuyé par la figure de Mitterrand, qui ne me faisait, loin de là, pas rêver.On était loin de l’homme qui avait dépénalisé l’homosexualité, augmenté la durée des congés payés, relevé fortement le salaire minimum, aboli la peine de mort…
Mais ça m’a fait bizarre et même pleurer quand il est mort. Etrangement. Je n’avais vraiment connu que lui.
Un peu plus tard, rocardien de la période où Rocard s’était déjà éloigné de la politique vraiment active, Rocardien de l’époque où tous les chefs locaux s’étaient notabilisés et individualisés, Rocardien trop tard quelque part, comme beaucoup de gens de ma génération encore attirés par l’inventeur de la deuxième gauche mais donc tout de même membre d’une sensibilité très critique contre l’ancien Président, j’ai eu des mots très durs contre Mitterrand. Contre sa ligne politique et son fonctionnementJe continue parfois. Un peu moins. Et au sein des jeunes socialistes du Rhône, ceux qui étaient sociaux-démocrates avaient coutume, certains soirs, d’avoir l’infantile coutume de cracher sur le gros portrait de l’ancien président de l’entrée déjà mentionné, ce qui indignait sa vieille garde locale lorsqu’elle découvrait les dégats le lendemain.
Si je reste méfiant à l’encontre de l’ancien Président, si l’autre jour en bureau de direction du PS du Rhône, je n’ai pu m’empêcher de ronchonner lorsqu’il s’est agi de réunir une commission pour organiser quelque chose pour la commémoration de sa disparition, j’avoue avoir un peu évolué sur la question.
Déjà j’ai pu connaitre rétrospectivement les réalisations faites: l’augmentation du SMIC, l’homosexualité permise, le souffle de l’après 1981, l’abolition de la peine de mort, l’allongement des congés payés on l’a dit mais aussi les radios libres que les « libéraux » précédents reprimaient), le prix unique du livre, les 39 heures (déjà à l’époque les conservateurs hurlaient à la mort de l’économie française), le RMI, une vraie politique européenne…Enorme lorsque celui d’aujourd’hui nous fait le bouclier fiscal pour les ultra-riches, le contrôle légalisé des médias d’Etat, la suppression des aides de rentrées scolaire pour les plus modestes, le gel du salaire minimum, le débat foiré et foireux sur l’identité nationale.
C’est vrai les présidents suivants ont fait beaucoup par contraste pour nous faire regretter Mitterrand.
Alors j’ai pris ma carte, suis entré à la fédération du PS une fois Mitterrand disparu. Ce n’était sans doute pas complétement un hasard, je me suis toujours trouvé, politiquement et dans le temps, dans l’après Mitterrand, dans la volonté de dépasser son histoire et sa pensée. Mais, alors que le temps et ma vie a raccourci mes cheveux et allongé mes kilos, je regarde aujourd’hui, avec une certaine sympathie mélangée de fortes réserves, le seul socialiste à avoir gagné une présidentielle.
Merci à groume pour la photo