Nouvelle livraison de la chronique hebdo de Stéphane Nivet, qui nous parle langue présidentielle cette fois.
Les discours de Notre Sublime Myrmidon sont un bouquet fleuri de barbarismes et de solécismes, à telle enseigne que chacune de ses oraisons est une sorte de Saint-Barthélémy de la langue française, charriant une armada des cadavres pas vraiment exquis.
Le dernier outrage de Notre Vénéré Hâbleur à la langue de Molière s’est tenu il y a quelques jours lors de son discours de vœux aux forces économiques à Toulouse lorsque, juché comme à l’accoutumée devant une estrade d’ouvriers témoins dûment sélectionnés en raison du fait qu’ils feraient passer Mimi Mathy pour un guerrier Massai, s’est vautré dans un apothéotique » dispositif péren (sic, prononcé périn) pour protéger les pays européens », le bougre audacieux étant sans doute persuadé depuis sa plus tendre enfance que pérenne est le féminin de « péren », violant à rebours sa nature épicène.
Le site internet de l’Elysée a rétabli les choses, gommant l’horrible bévue pour l’Histoire mais seul le prononcé fait foi … Et si les manquements à la langue française relevaient d’une sanction pénale, Notre Farfadet Insane serait en état de récidive légale, avec peine plancher applicable, ayant déjà gratifié le citoyen lors de son débat face à Ségolène Royal en 2007 d’une glissade à la faveur de laquelle il se faisait fort « d’obtenir le financement péren (resic) de nos régimes de retraites ».
Mais Notre Histrion Névrosé est déjà à la tête d’un épais passif d’incivilités langagières qui dépasse de loin ce que nos plus sadiques caricaturistes auraient pu imaginer dans leurs songes les plus fous. Florilège, roulement de tambour et flonflons : « Je dois la vérité de dire », « la taxe professionnelle qui n’existe nulle part partout en Europe », « s’il y en a que ça les démange d’augmenter les impôts », « On se demande c’est à quoi ça leur a servi ? ». On comprend désormais la frénésie vengeresse avec laquelle Notre Infaillible Souteneur poursuit de ses assauts immodérés Madame de La Fayette, sa Princesse de Clèves et sa langue aussi charnue que galante.
Le député François Loncle s’est récemment ému du massacre et a saisi le ministre de l’Education Nationale, Luc Châtel, parce qu’il le vaut bien, d’une question écrite :
« M. François Loncle indique à M. le ministre de l’éducation nationale que l’actuel Président de la République française semble éprouver maintes difficultés à pratiquer la langue française. Il multiplie les fautes de langage, ignorant trop souvent la grammaire, malmenant le vocabulaire et la syntaxe, omettant les accords. Lorsqu’il s’exprime en public, le Président de la République croit judicieux de maltraiter, volontairement ou involontairement, la langue française et il s’aventure parfois à employer des termes et formulations vulgaires. Afin de remédier sans délai à ces atteintes à la culture de notre pays et à sa réputation dans le monde, il lui demande de bien vouloir prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre au Président de la République de s’exprimer au niveau de dignité et de correction qu’exige sa fonction. »
La réponse de Luc Châtel à cette demande de remise à niveau n’est pas sans rappeler celle de ce porte-parole de Saddam Hussein dont l’ardeur à vanter la douceur de vivre à Bagdad peinait à masquer le bruit des bombes :
« Juger de son expression en puriste, c’est donc non seulement lui intenter un injuste procès, mais aussi ignorer son sens de la proximité (…) le Président de la République montre de grandes qualités rhétoriques, telles que la force expressive, la conviction, l’à-propos, la répartie ou la puissance d’évocation ».
Le niveau baisse et on se plaît à revoir, non sans une certaine nostalgie, les conférences de presse des prédécesseurs de Notre Attila des Accords, au gré desquelles on pouvait mesurer combien Stendhal avait raison de proclamer que le « premier instrument du génie d’un peuple, c’est sa langue ».
Une fois revenu à la vie civile – c’est-à-dire dès 2012 – Sarkozy ne manquera pas de commettre des Mémoires dont on peut imaginer la « puissance d’évocation » : « Casse-toi pauv’con. Mémoires d’un incompris« , Xo Editions, Préface de Jean-Marie Bigard ou peut-être « 2007 : Comment que j’ai conquéri le pouvoir », avec l’aimable participation d’Henri Guaino.
En conclusion de cette relation des avanies discursives de Notre Démosthène de Pacotille, il convient de rappeler que pour accéder à la nationalité française, la maîtrise de la langue française est exigée. Une précaution utile. »
Stéphane Nivet