C’est un scrutin qui fait couler beaucoup d’encre en Grande-Bretagne. Le 5 mai les Britanniques vont devoir voter dans le second référendum de l’histoire du pays, le premier ayant porté sur l’adhésion à la Communauté Européenne.
Il s’agit cette fois d’un changement de mode électoral. Demandée par les Libéraux-Démocrates dans la corbeille de la mariée pour entrer au gouvernement avec les Conservateurs, la réforme pourrait durablement changer le paysage politique britannique.
Actuellement, lors du vote des législatives, les députés sont, comme en France, désignés chacun dans une circonscription. Par exemple celle de mon ami Jean-Louis Touraine recoupe une partie de l’est et du sud de Lyon, celle de ma camarade Karen Buck, députée de Londres, regroupe Regent’s Park et le nord de Kensington.
Mais, forte différence, en Grande-Bretagne, l’élection se fait à un seul tour, celui arrivé devant remportant le siège quel que soit son score. Par exemple dans l’est de Londres à Daggenham et Rainham, c’est avec 40,6 % que le Labour John Cruddas face au conservateur Simon Jones avec 34,3% (et à un British National Party important dans le coin avec 11,2%).
Le système favorise les deux plus grands partis (les travaillistes et les conservateurs ) puisque l’électeur d’organisations plus petites comme les verts britanniques ou de la droite dure et europhobe de l’UKIP préfèrent voter pour le candidat le moins éloigné de leurs idées afin d’être efficaces. Les Libéraux-Démocrates étant eux aussi souvent victimes de cela, leurs électeurs leur faisant parfois faux bon pour voter le plus souvent travailliste mais aussi, plus rarement, conservateur.
Avec la réforme, très bien expliquée dans cette animation, il y aura désormais un vote alternatif. Au lieu de cocher pour le candidat choisi, on votera désormais en rangeant les candidats par ordre de préférence.
La réforme divise le gouvernement et l’opposition.
-Le parti du Premier Ministre Cameron fait activement campagne pour le non. Les conservateurs n’ont rien à gagner dans cette histoire et ont réussi déjà à proposer une réforme électorale moins ambitieuse que voulue par les Libéraux-Démocrates, qui souhaitaient en plus du vote alternatif, une élection intégrale de la chambre des Lords. Parti dominant de la vie politique et conservateur, la réforme pourrait le menacer dans son poids électoral, rendre pendant longtemps dépendant d’alliances avec les libéraux-démocrates et rendre dangereux des partis comme l’UKIP qui pourraient lui grignoter son électorat.
-Le très impopulaire parti du vice-Premier Ministre Nick Clegg fait activement campagne pour le vote alternatif. Il a tout à y gagner. La chose est très intéressante pour les Libéraux-Démocrates, souvent le deuxième parti préféré de nombre d’électeurs labour et de la petite aile modérée des conservateurs. Autre souci, son parti perd souvent des voix au profit des travaillistes, à cause de sympathisants voulant faire barrage aux conservateurs (pourtant en gouvernement avec les libéraux-démocrates actuellement…). La partie peut être difficile. Les libéraux-démocrates ont renié nombre de promesses de campagne après leur ralliement à droite.
Côté opposition, chez les organisations minoritaires, le parti nationaliste écossais (SNP, gauche) se sent peu concerné et déplore que le référendum se déroule le même jour que les élections au parlement local. La chose rendra très tardive la proclamation des résultats. Ce sera aussi le cas au Pays de Galles, qui vote aussi pour son parlement local. Le Plaid Cymru (parti régionaliste gallois de gauche) se prononce pour la réforme. C’est aussi le cas des verts.
Le Labour, principal parti d’opposition, a lui, fort à faire. Outre la campagne dans laquelle est lancée sa branche écossaise afin de rafler le parlement local aux nationalistes, la grande organisation de centre-gauche est divisée. Le leader du parti, Ed Miliband, ainsi que d’autres figures travaillistes, ont appelé à voter oui au référendum. L’argument est qu’il faut moderniser le système de vote et permettre au camp progressiste de peser tout entier face à la droite.
C’est sans compter sur 150 parlementaires des deux chambres, qui pressent pour le non, dont Ken Livingstone, candidat à la Mairie de Londres et ancien Maire. Les opposants arguent qu’un vote oui ferait du leader des Libéraux-Démocrates, le très impopulaire Nick Clegg, le grand gagnant politique du scrutin et le faiseur de roi des prochains scrutins et que ce serait la fin des majorités claires….
Membre du Labour de Grande-Bretagne mais non électeur, j’avoue que, pour l’instant, je n’ai pas encore tranché…