Celui qui disposent d’un blog considéré à tort ou à raison comme influent reçoit de nombreuses propositions d’événements et de partenariat de communication sur des marques, causes ou événements.. Il y a des choses très intéressantes. D’autres qui le sont moins. D’autres qui ne le sont pas du tout, alors je laisse couler, je décline ou le plus souvent je ne réponds pas.
Il y a aussi carrément des foutages de gueules, petits comme celui-ci, ou lourdingues comme cette agence de communication parisienne qui cherchait, via une vague connaissance du web, à ce que je lui monte une opération relation publique et un événement gratuitement sur Lyon sans absolument aucune contrepartie, alors qu’elle était grassement payée par son client pour le faire. Ou l’histoire de cette chaine de supermarchés qui… oh je vous raconterais un jour. Et puis d’autres. Mais la plupart du temps, ce sont de gentilles propositions, intéressantes ou pas.
Celle que je vais vous raconter est de cette semaine est plus light et n’aurait même pas attiré mon attention n’aurait été l’insistance de l’agence et l’item d’attraction, particuliérement amusant.
J’ai reçu il y a quelques temps un magnifique mail d’Oral-B, qui me proposait de venir, en tant que blogueur, en milieu de matinée pendant les heures de bureau, faire un billet sur un événement publicitaire qu’elle organisait jeudi dernier dénommé Au Bonheur des Dents. La chose était bien évidemment emballée d’un discours un peu médical, pour faire sérieux le lieu choisi est une école dentaire qui louait ses locaux. Clou du spectacle pour attirer les foules et faire un peu de pub:La dernière fois la marque avait fait croire à tort, via la peu scrupuleuse Agence Passage Piéton, que ceux qui viendraient à un événement organisé par Oral-B participeraient à un épisode de Plus Belle La Vie. Là, dans la continuité, c’est toujours du rêve qui est proposé: Il serait possible de se laver les dents gratuitement avec la nouvelle brosse à dents de la marque ! Oui gratuitement, comme chez soit. Le rêve à portée de main.
Déchirante perspective que de devoir renoncer à une offre aussi tentante que celle prendre une demie-journée de RTT pour me laver gratuitement les dents et faire la publicité du produit en remerciement. Les larmes aux yeux, j’ai évité de répondre à la tentatrice qui m’incitait ainsi à un monde de luxe et de stupre dont je n’avait pas idée. Mon âme tremblait. Je me suis tristement lavé les dents tout seul de ma main gauche (je suis gaucher) avant d’aller pleurer devant la perspective de rater la rédaction d’un billet subtil à forte valeur ajoutée pour toi lecteur, vantant ce moment potentiel exceptionnel et t’incitant à arracher les derniers euros que les nouvelles taxes sur les boissons sucrées t’auraient laissées pour acquérir la précieuse nouvelle brosse de Oral-B . J’ai donc ignoré le mail, comme j’ignore un grand nombre d’entre eux chaque semaine.
A force de travail et d’habitude aux renoncements aux plaisirs célestes, j’avais presque asséché l’horrible crispation du chagrin des occasions manquées quand la même chargée de com’ me renvoya exactement le même message que précédemment, quelques jours plus tard. La plaie était rouverte, l’inquiétude de faire rater à mon lecteur une si importante nouvelle, seulement comparable à celle de la prise de la Bastille, de la fin de la seconde guerre mondiale ou à la sortie lundi du nouvel album de Florence and The Machine ! La plaie du cœur rouverte, je me sentais comme lorsque très jeune homme, je revoyais pour la première fois un amour perdu douloureusement. Mais ma volonté de fer ne céda pas. Je ne répondis pas. Ferme comme un roc.
Vint le jour d’avant le moment fatidique, moment qui, si je n’avais pas été autant noyé de boulot, j’aurais du trouver l’oubli dans le gin et le sommeil afin d’écarter de mes pensées le jardin des occasions ratés et des dents brossées. Dans la journée dense en activités professionnelles, je vis à un moment, entre le devis d’un fournisseur et différents dossiers à traiter pour le travail sans parler de la perspective un peu plus tard dans la journée de régler, sous ma casquette d’Adjoint cette fois, diverses questions, je vis donc survenir de l’agence, une troisième missive, identique encore.
Les yeux embués de larmes, je me dit qu’il fallait définitivement renoncer au bonheur et rompre le cordon de brosse à dents qui commençait à m’unir tel un requin entouré par les tentacules d’une pieuvre. J’expliquais doctement et fermement à la succube tentatrice qu’elle tournait un peu trop de couteau dans la plaie de mon désir inassouvi mais que je devais renoncer aux plaisirs terrestres pour me consacrer à un fort apport de tâches matérielles.Je crois que les termes furent un peu moins aimables mais n’oublions pas que je marchais dans une vallée de larmes.
Peu après, je continuais, ma boite mail fermée, à méditer les paroles de Pascal sur le renoncement aux plaisirs terrestres. Le soir je me suis brossé les dents.