Lyonnitude(s) : mai 2011

J’avais au départ dans un très long et très fastidieux billet commencé à détailler les engagements fidéles d’une dizaine d’années pour Dominique Strauss-Kahn et surtout pour le projet de la sociale-démocratie européenne. Comme d’habitude les discussions sous le billet auraient été ouvertes et bienvenues. Et puis non, finalement. En fait j’avais envie de donner mon regard en arrière. Il m’est forcément individuel. Et puis dans les billets de ce blog qui abordent un décés, je n’ouvre pas le commentaire…

Je n’ai pourtant pas perdu ma vie ces dix dernières années. J’ai fait tant de choses, bien loin de se limiter au soutien à une personnalité politique. J’ai créé, aimé, eu peur, milité, fêté, rit, construit, vécu une vie. Mais c’est une certaine part de mon engagement qui est tout de même parti en fumée une nuit de samedi à dimanche. Et avec moi celui de pas mal d’autres.

J’avais parlé de cette part de mon militantisme concret pour cette sensibilité « strauss-kahnienne », travail parfois quotidien, dans la vraie vie, dans ma vie à moi, loin de se limiter, comme cela peut arriver à la simple expression de sympathie en écrivant une ligne ou deux sur Twitter. Cette tendance qui fait que beaucoup confondent militantisme réel  et soft engagment, cette représentation de la politique qui remplace la politique elle-même, se satisfaisant de peu.

J’avais parlé des heures, des jours passées. Des sacrifices divers. De la création de l’association socialisme et démocratie jeunes Rhône, des amitiés, des embrouilles, des amours, des emmerdes. J’avais parlé des réunions à Paris, du temps perdu avec un groupe de Montpelliérains cinglés. Des histoires débiles internes entre ceux qui venaient de telle ou telle histoire politique. Et puis ce temps perdu aux Mouvement des Jeunes Socialistes, où la majorité n’était pas toujours tendre avec ceux qui comme nous pensaient différement de sa ligne de posture gauchisante, même si aujourd’hui cela améne parfois des anecdotes de guerre amusantes.

J’avais parlé des difficultés aussi à avoir une fidélité et une ligne politique dans un monde où les girouettes sont la norme plus que l’exception. J’avais parlé de ces camarades qui ont l’échine bien souple et le sens du vent et qui parcouraient les différentes chapelles du parti au gré de leurs intérêts, des postes à pourvoir et ne comprenaient pas notre envie de nous engager, avec quelques copains et d’autres, sur une ligne politique et non de se vendre sur Ebay, de jouer les pacmans mangeurs de la politique en quelque sorte. J’avais parlé de ce mépris de beaucoup quand, avant les municipales et les présidentielles, nous étions pressés de rallier ailleurs, pour « notre bien » sinon nous êtions naifs, sinon il allait se passer ci ou ça…Et puis des  conséquences que cela eu parfois de refuser.

J’avais parlé, de ceux et celles que j’ai amené à la politique ou au moins à s’y impliquer bien plus, de ces formations, de ces discussions dans notre génération aujourd’hui trentenaires, sur des sujets passionnants, complexes, où nous êtions parfois iconoclastes, là où je vois la même génération à droite n’aborder jamais ou presque les problémes de fonds.

J’avais parlé du parisianisme pénible des nombreux cadres de la mouvance, de ces problématiques parisiano centrées ou Val d’Oisocentrées, qui passaient souvent plus de temps à problématique la section de Sarcelles qu’a penser à s’intéresser à l’ensemble du pays. J’avais parlé de ces cadres du Rhône, si lâcheurs pendants les coups durs, si empressés à prendre des responsabilités nationales qu’ils n’assumaient pas toujours, enferrés d’individualisme. J’avais parlé de ce long combat désintéressé et sincère dans lequel il n’y avait surtout à prendre que des coups, des disputes dans la vraie de vraie vie sur Dominique, sur le reste. J’avais parlé des fois où il fallait s’adapter aux uns et aux autres pour la cohésion du groupe, où l’union était un combat. J’avais parlé des moments de fraternité, trop rares, et des moments de petits calculs individuels, hélas plus fréquents. J’avais parlé des gens, nombreux, avec qui je me suis engueulé, un peu ou beaucoup, à cause de mes choix et de leur défense.

Si une page se tourne aujourd’hui, la fin d’un certain engagement, il reste  Il y eu, il y a Lyon, il y a le 7e, il y a l’Europe, la République, le socialisme démocratique et tant d’autres choses. Il y a le tranchant des idées qu’on défend, parfois dans la dispute, la tourmente et l’opprobre.Il y a la satisfaction de l’action concrète, celle qui manque à beaucoup de bavards, de révolutionnaires sur canapé, de réactionnaires sur leur chaise. Le combat continue, autrement.