Historiens, étrangers venus des contrées lointaines de l’Ain et de la Loire, politiques, tout le monde est d’accord sur un point: Lyon est une ville mo-dé-rée. Peu importe que la ville soit sous les canuts ou les émeutes urbaines capables de grands excés. Peu importe aussi qu’il puisse y avoir de forts contrastes entre les quartiers. La ville est modérée on vous dit !
Certes la chose ne manque pas de fondements. Les leaders de la cité, d’Edouard Herriot à Gérard Collomb sont tous des pragmatiques peu portés sur le sectarisme, la bizarrerie et l’extrêmisme. Tout juste a-t-on eu un Pradel, maire « apolitique » de droite qui avait des lubies de rasage du vieux Lyon pour les remplacer par des autoroutes et une surprenante haine peut-être teinté d’aspects freudiens pour le rock toute manifestation de pornocratie (notion à laquelle il donnait un sens large et surprenant). Le dernier point est d’autant plus piquant quand on sait que son petit surnom était zizi…
Pour le lyonnais, l’excés est vulgaire et suspect. L’inconnu est un territoire incertain. Seule concession au trop dans l’existence, les plaisirs de la table, par imagerie populaire. Suivant un célébre proverbe local « Au travail on fait c’quon peut, à table on se force » le lyonnais se lachera dans les mets et les liquides…à condition qu’il soit le soir. Prendre plus d’un verre de vin à la pause de midi vous classe dans la catégories des exagérés peu crédibles.
Si l’évitement de l’excés de table lors des pauses déjeuners est louable et saine, que la modération politique soit souvent source de sagesse si elle n’empêche pas la réforme, tel n’en est-il pas toujours de tout.
Même si le phénoméne tend heureusement à reculer, la tiédeur semble parfois s’être en effet emparée de tout. Chaque décision de la vie, traivail, loisir, amours, aventures, amitiés,est aujourd’hui pesée, au risque de l’ennui. L’amusement, la joie, la vie est autorisée, à condition de rester très raisonnable Rencontrer l’autre pourquoi pas, à condition d’éviter d’avoir trop d’amis, ce qui serait vu comme une perte immodérée de temps.Toute une existence en balance des équilibres c’est pour le moins ennuyeux.
Trop souvent le lyonnais pourrait viser plus haut. Il est souvent trop prudent. Il existe pourtant un monde entre excès de peur, dissimulation sous les rochers et intrépidité irréfléchie. Un monde où il y a de la rencontre, de la vie et de la nouveauté. Cela fait peur !
Trop souvent le lyonnais ne veut pas avoir à s’encombrer de cela. En dehors de la modération tout est vacuité.
Cette approche, qui a contaminé depuis toujours la vie lyonnaise dans tous ses aspects, est heureusement aujourd’hui en recul. Le grain de follie, l’originalité ne sont plus bannis de nos contrées. Que cela continue, la vie est trop courte pour la gâcher dans les excés, trop longue pour l’ennuyer dans les petits calculs.