A Noël, ici sur ce blog, j’écris un conte.Parfois drôle, parfois moins. L’un d’entre eux est même parfois lu dans des paroisses protestantes. Et puis il y a eu celui de l’année passée pour raconter un horrible drame vécu à deux. Voici donc celui de cette année
C’était un peu avant l’aube. Il fallait se hâter pour assister au culte de Noël . Yacoub le savait.Bien vite il fallait se glisser, discrètement, après avoir fait les salutations d’usage du matin aux amis et voisins chiites, le long de la petite rue, non loin du Tigre. Mossoul déjà commençait à voir poindre le jour. Bien vite faire accélérer la petite soeur enveloppée de sa couverture, et puis le pére qui clopine, la mère, et aussi le grand frère. Et surtout ne pas se perdre, quand on a pas l’habitude de la nouvelle salle. Et puis ce père qui avance si lentement. Remarquez c’était pas de sa faute au pére. Même si le mois passé il avait pu se réfugier chez les voisins musulmans avant que la milice ne l’attrape pour le bastonner n’avoir pas payé l’impôt non-décrété sur les infidèle, les chrétiens, les dhimmis, il n’avait pu échapper avant-hier à la bastonnade par un groupe de jeunes garçons chiites soucieux de lui faire payer sa foi. Par la suite, en un œcuménisme sinistre, le même groupe s’en était pris à M.Abdul, le commerçant sunnite qui penait le café sur sa terrasse. La semaine précédente, c’est une mosquée chiite qui avait subi les tirs de mitraillette d’une milice inconnue. La religion devenait ici prétexte, moyen pour rançonner son voisin, pour exercer une violence rentrée.Très vite Yacoub commençait à suer. La tension. La pression. Le souvenir. Les souvenirs. Le moment des débuts de la guerre. Les temps de haine, de tension, de violence. Les chars US.Les portraits du Dictateur déchu jetés à bas à la télévision. Et puis la première bombe dans le quartier chiite revendiquée par des dingues. La bombe dans le quartiers sunnite en riposte. Et puis les vexations pour les chrétiens.Et les messages « Partez de Mossoul, quittez l’Irak ». Et puis exactions. Les départs ailleurs de ce qui avaient peur, les enlèvements, les meurtres.Et puis…Alina, Aline, ombre d’elle même sur le chemin du culte, ombre battue et souillée, petit être de 13 ans percée par la violence collective de 3 miliciens qu’elle avait eu le malheur de croiser et qui avaient, un triste matin, pris de force son enfance. Depuis, la petite était muette, semblait vidée de toute envie d’être au monde, et la famille, prise entre la terrible douleur et une honte irrationnelle mais forte, si forte, au point d’écraser leurs cœurs et leurs boyaux à toute seconde d’une existence devenue un chemin de douleur. Alina ou son fantôme, son a^me déchue par des brutes, enveloppée d’un tissu épais, traversait la rue les yeux encore dans le sang et le sentiment de son petit corps brisé, sali, souillé par des brutes.Bien sûr, il y a quelques années, malgré la tyrannie et la corruption il aurait été possible, peut-être, de chercher les coupables, de demander justice. Mais la peur, présente partout, chez tous, était trop présente. Nombreux étaient les chrétiens d’ailleurs qui avaient fui la ville, le pays, lassés d’être rançonnés par des bandes de brigands qui utilisaient le prétexte de la foi pour les violenter, les martyrises, abimer et supprimer leur vie. Et puis nombreux étaient les dingues qui avaient décrété que l’Irak devait être sans chrétiens. Et aussi qu’elle se ferait aussi sans les musulmans qui ne seraient pas de leur goût. Le père de Yacoub avait vu nombre de se ses amis fuir à l’étranger, leurs maisons systématiquement détruites et saccagées. Il commençait à se renseigner un peu en pensant qu’il était sans doute, comme beaucoup d’autres, de la dernière génération sur la terre d’Irak, d’une implantation presque plusieurs fois millénaire. Mais comment partir sans le sou? Le pére de Yacoub n’avait jamais eu beaucoup de moyens. Peut-être appeler son cousin à Malmo? Yacoub, lui, repensait à sa visite la semaine passée à la famille de son copain Remond. Remond avait été enlevé par une milice islamiste, qui s’était donné pour mission de vider la région de ses chrétiens. La milice avait demandé 300 000 euros à ses parents. Les pauvres, incapables de payer, avaient reçu quelques jours plus tard une vidéo de la cérémonie de décapitation de leur fils. La même vidéo s’était retrouvée en vente à la criée sur le marché pour les amateurs de vidéos macabres, pour l’exemple, pour la haine. Il était si fort au basket Remond…Le pére, la mére, la famille partaient pour vivre à Sheffield en Grande-Bretagne la semaine prochaine. Laissant le corps sans tête de Remond dans un lieu inconnu de tous sauf de ses meutriers.Il fallait se hâter. Le lieu du culte était bien loin, bien plus loin que le Temple brûlé quelques mois avant, incendié avec force bidon d’essence pendant une chaude nuit. Le gardien, pris par les flammes avait brulé vif. Yacoub entend encore dans ses oreilles les cris de sa veuve et de ses 3 orphelines, sans pére, sans ressources, sans envie de vie…La grange enfin. Gardée, surveillée. Une ambiance de plomb. des silhouettes qui se faufilent à l’intérieur.
Et le pasteur. Et son sourire avant de dire pour dire « Joyeux Noel à vous ».