Lyonnitude(s) : Le café gourmand

« Fromage ou dessert ? » L’expression qui marquait partout en France l’amorçage des fins de repas tombe progressivement en désuétude dans notre pays. Elle est remplacée de plus en plus par un simple « dessert ? » interrogatif auquel la bienséance commande de plus en plus de répondre par la négative.

A Lyon,il y a tout de même un peu plus de résistance qu’ailleurs rapport aux autres contrées de la République.  Mais la normalisation vient à grands pas. On mélange de plus en plus sur la carte les fromages et les desserts. Il ne faudrait pas, tout de même, qu’un rustre malotru se gave !

A part pour en faire un titre de blog, prendre les deux plaisirs du fromage et du dessert,n’en laisser aucun et commencer par le demi Saint-Marcellin coulant à la cuillère et conclure par une tarte tatin, vous classe aujourd’hui dans la catégorie des jouisseurs, des gourmands, des futurs abonnés à l’infarctus.  Sans parler de ceux qui triplent la faute par le digestif du patron. Vous risquez le gras, le pas séduisant, la non-sportivité, l’inactivité honteusement non productive, bref le malsain.

Non, le vrai de vrai actif, le gagnant ne prend pas de dessert. Ni de fromage.

Juste un café.

Le repas est une partition harmonieuse qui se doit d’être conclue désormais uniquement par un breuvage de Colombie, du Brésil, ou plus chic d’Ethiopie. Le café est gage de dynamisme. Il marque la nécessité pour celui qui le prend d’être actif, productif et créatif l’après-midi. Pouvant être consommé rapidement, il a l’avantage d’être le marqueur des gens qui vivent à toute vitesse. Même quand en réalité son consommateur va passer l’après-midi devant les programmations ébouriffantes de France 3 sur un canapé.

Le café est utile socialement: Il permet de finir une conversation entamée pendant le plat de résistance tout en gardant le potentiel de pouvoir prendre congés rapidement en cas d’ennui subit vis à vis de son co-déjeuneur ou de nécessité de sieste réparatrice post-agapes due au coup de pompe post déjeunatoire.

Le dessert, lui, laissé de côté, considéré comme cher, calorique, long, se trainait lamentablement vers les oubliettes de l’histoire, seulement honoré de temps à autres par de ventripotents amants à teint vermeil ou à des gourmandes ayant souffert à coup de salades vertes sans sauces pour pouvoir se blottir sans trop de honte dans son moelleux..

Heureusement, un lifting joyeux a permis aux gâteaux et autres fondants de retrouver le lustre et le désir du plus grand nombre, gente féminine y compris.

Le café gourmand, synthèse des deux univers était né. Un peu du célèbre breuvage caféiné entouré de quelques petites gâteaux, de quoi goûter, essayer sans se marquer ni s’engager. Symbole à la fois d’une douceur de vivre et d’une maitrise productive de soi.  La possibilité de prendre du plaisir sans passer pour un orgiaque. Et puis, surtout, c’est l’enterrement définitif du choix cornélien: on a plus à trancher entre tatin et créme brulée.

Vive le café gourmand, seigneur de nos apparences!