Ma copine Macie-Cécile Paccard est graphiste et usagére des transports en commun. Deux raisons pour demander à cette figure du web lyonnais ce qu’elle pense du tout nouveau site des Transports en Commun Lyonnais (TCL)
Les transports en commun à Lyon.Passions et débats se déchaînent en permanence sur ce sujet très, très sensible. Opacité de la communication, amélioration du réseau, remontée des griefs, ouverture des données, les habitants de la Capitale des Gaules ne tarissent ni de critiques, ni d’idées.
Un peu moins d’éloges. Alors quand le Sytral nous fait une petite surprise en lançant le nouveau tcl.fr en catimini, je ne pouvais que prendre ma plume.
Chaque lyonnais usager des transports en commun s’est déjà frotté au site en place depuis 2007, qui fut ce qu’il fut, un outil à défaut de mieux. Néanmoins, il avait été gratifié du label Accessiweb argent, garant du respect des règles d’accessibilité dictées par le W3C/WAI, notamment pour les internautes handicapés.
Graphiste, je suis très sensible à l’esthétique et à l’ergonomie
Je suis graphiste de formation : je vis, respire et mange Internet, chaque jour. Et ça tombe bien, j’ai la chance d’avoir un City Pass et je suis une fervente citoyenne qui aime défendre les transports. Quand l’information m’arriva mercredi vers 17h30, je ne fis qu’un bond sur ma chaise avant de faire un frénétique rafrichissement d’écran et de taper « tcl.fr ».
J’eus la chance d’être parmi les rares personnes à avoir pu accéder au site : les premiers retours parlaient de surcharge serveur, d’autres de message d’excuse laconique, juste le temps de profiter de quelques commentaires piquants sur Twitter. Les premières secondes furent un choc : quelle déception graphique. Et en suivit la toute première question, qui me hante depuis : « pourquoi cette refonte, POURQUOI ? »
Du point de vue de la graphiste, on se croirait presque sur le joli site vitrine d’un voyagiste. C’est propre, bien rangé, oh, il y a de jolies petites icônes à droite. La refonte sent le plat préparé : dans le métier, on appelle cela « appliquer des recettes », des dégradés, de belles icônes, un magnifique carrousel qui fait défiler de beaux visuels choisis, et hop ! On se retrouve avec un beau cadeau prêt à servir à un dircom sensible au bling bling 2.0.
La refonte crie l’absence d’architecture de l’information, refoule d’erreurs ergonomiques, souffre de fractures ouvertes. Aucune réflexion ne semble avoir été menée sur la page d’accueil, si ce n’est sur ce fameux carrousel.
Le volume d’informations dans la barre latérale est trop important, et met à mal le concept visuel qui se brise et laisse apparaître un grand trou blanc juste au dessus du pied-de-page. La navigation est quasi-invisible, la recherche d’itinéraire planquée sous le carrousel. Faites le test : reculez-vous d’un bon mètre, brouillez votre vision, et dites-moi ce que vous voyez : une belle photo qui défile et quelques points de couleur sur une nappe blanche. Là où on aurait préféré voir une gigantesque boite à outils pour savoir d’où partent nos bus, comment rallier Vaise et Villeurbanne, quand passera le prochain T2 à Part-Dieu, on trouve un énorme bloc qui nous apprend que la ligne 83 nous emmène au parc. Bien.
On imagine la demande initiale, on le voit tomber sur le bureau du graphiste, l’ergonome, lui, est parti en vacances, le tri par cartes est mort-né. On voit s’envoler le label AccessiWeb : nos yeux pleurent sur la police gris clair sur fond blanc et sur la petitesse des caractères d’une large partie des textes. Gare aux bigleux.
Un site peu pensé pour l’usager
Du point de vue de l’usager, le concepteur a sans doute pensé que le beau carrousel était plus important que les horaires, la recherche d’itinéraire ou le numéro Allo TCL (planqué tout en bas). Sans parler des infos trafic, grandes absentes de la homepage, bien cachées dans la rubrique « ME DÉPLACER ». Et pourtant, les infos trafic sont le nerf de la guerre pour nous, voyageurs.
Bon, jouons notre propre avocat du diable et reconnaissons à ce nouveau joujou quelques avantages : la recherche d’itinéraire est clairement moins capricieuse et plus agréable qu’avant. On bénéficie même du bilan carbone du trajet comparé à celui qu’une voiture aurait émis.
L’apparence du site est tout de même plus « fraîche », et une entreprise ne peut plus, en 2012, garder la face sur Internet avec un site qui sent la naphtaline, si utilisable soit-il.
Paraît-il qu’on pourra bientôt payer ses amendes en ligne : anti-fraude chevronnée, je ne suis pas concernée.
Dernier point positif : l’arrivée des flashcodes, enfin fonctionnels, attendus depuis la naissance d’Atoubus : à l’arrêt, les possesseurs de smartphones pourront consulter l’horaire d’arrivée du prochain véhicule.
>Mais pas un mot à propos d’e-tecely, le service de rechargement d’abonnement à la maison : son lancement est encore repoussé.
Un site cohérent avec le côté fermé du Sytral
Plus je contemple ce nouveau tcl.fr, plus je le trouve cohérent : cohérent avec le comportement du Sytral envers ses usagers. Tout se passe dans l’ombre, et ce réseau qui devrait être dédié à ses utilisateurs se retrouve pensé sans eux. Tout comme ce nouveau site internet. En imaginant le budget alloué à cette refonte, c’était vraiment dommage de la limiter à un gros coup de peinture.
Oh comme j’aurais apprécié de voir une main tendue, une affiche annonçant le nouveau site, un questionnaire distribué aux stations de métro, réclamant avec mansuétude l’avis de ces petites gens qui usent les sièges du bus chaque jour. Comme j’aurais été reconnaissante de voir une oreille rouge et grise dirigée vers moi, écoutant enfin mes prières quotidiennes, plongeant la main dans les milliards de bonnes idées que j’ai pu amasser en treize ans d’utilisation du service.
Mais non. Tant pis, le réseau des TCL continuera d’avancer sans moi, et ce n’est pas faute de tendre la main. En attendant, je vais sur www.entraideusagers-lyon.fr…