Dans la tarte à la crème que devient la définition d’un web 3.0 sans cesse en devenir, on évoque toujours curieusement l’avènement du web sémantique, ce système dans lequel le réseau comprendrait instinctivement nos demandes.
Point pourtant besoin de carburer à la surconceptualisation et de futuriser ce qui existe déjà dans le temps présent.
Le web sémantique est actuellement l’ensemble de technologies développé par le W3C (l’un des principaux organismes de normalisation du Web, que vous pourrez rencontrer au www2012) visant à faciliter l’exploitation des données , en permettant leur interprétation par des programmes et des machines.
Il se décline d’ailleurs dans un usage de plus en plus courru: le web de données. Celui-ci mélange les technologies du Web sémantique avec les principes de base (Identifiants etc…) avec pour objectif la construction d’un réseau d’informations structurées et facilement réutilisable dans de nombreux contextes.
C’est d’ailleurs ce modéle qu’utilisent entre autres deux sociétés aussi classiques aujourd’hui que Facebook et Google.
Cela a été dit de nombreuses fois, Facebook, comme l’est également par exemple Pinterest, est une gigantesque machine à analyzer vos comportements et à réagir en conséquences.
Les importantes modifications survenues en septembre dernier sont d’ailleurs toutes allées dans le sens d’une collecte de plus en plus grande avec par exemple la possibilité de partager ses goûts musicaux en temps réel sur le réseau via une interconnection avec Deezer et Spotify.Mais aussi la création d’outils qui permettent, pour la machine, d’affiner encore sa perception de vos interactions avec les autres: possibilités de s’abonner aux mises à jour de quelqu’un sans entrer en lien « d’amitié », liste d' »amis proches » etc…
Sur votre fil d’actualité apparait, de façon de plus en plus affinée, les informations des gens avec qui vous interagissez le plus par vos commentaires, vos likes, vos listes etc…et de moins en moins les autres. Du coup d’outil de communication avec un réseau plus ou moins vaste, vous passez à la discussion en petit groupe.
Plus vous interagissez avec les uns, moins vous découvrez les autres.
Sur Google aussi, la chose existe depuis bien longtemps. C’est même la base du moteur puisque ce sont les liens jugés les plus pertinents par les internautes qui sont privilégiés. Le concept s’est bien sûr renforcé avec la géolocalisation. Tapez le terme « restaurant » depuis un ordinateur situé à Lyon et sur un autre à Tours, les résultats ne seront pas les mêmes. Google plus a encore renforcé cette aspect, en permettant à ses usagers de recommander à leurs contacts des résultats de recherche. Les liens ainsi recommandés amènent à ce que l’internaute perçoive en priorité les résultats de ses cercles « d’amis »…
De plus en plus, cette dimension sémantique prend le pas. C’est parfois fort utile pour trouver exactement ce que l’on cherche mais risque à terme de nous enfermer dans un simple cocon, freinant là aussi notre possibilité de découvrir, mettant le mot sérendipité dans le rayon poussiéreux d’un passé révolu.
Ce risque de fragmentation sociale online existe: reprenons le cas de Google et des moteurs de recherche en général. Leur fonctionnement optimal (et leur business modèle de publicités personnalisées) est basé sur le fait d’arriver à trouver au plus facilement ce que veut celui qui les utilise et éliminer ce qui est non pertinent.
Dans cet esprit se pose par exemple la question de l’apprentissage de la machine, sans cesse en évolution ces temps-ci.
Prenons le cas d’un internaute qui taperait » Elysee » sur google en cherchant non la résidence du président de la république mais le théâtre du même nom. Au départ la machine propose d’abord comme résultat le plus courant et le mieux référencé des résultats donc, celui du Palais Présidentiel. Mais au bout de plusieurs reprises où l’internaute aura en lieu et place cliqué sur le lien du site du théâtre, la machine le lui proposera alors spontanément en premier résultat. C’est un formidable défi pour les référenceurs-qui est d’ailleurs aussi un moyen pour Google de rendre ses publicités encore plus indispensable en marginalisant un peu le référencement naturel-. A terme chacun aura sa recherche individualisée, l’enfermant quelque peu dans un cocon ou une prison consentie.
C’est aussi, sous des abords pratiques (plus besoin de fouiller dans les résultats pour trouver le théâtre de l’Elysée ou qu’on me propose des restaurants tourangeaux en lieu et place d’établissements situés à Lyon) le risque d’enfermement dans une bulle, fin partielle de cette promesse d’ouverture généralisée que promet pourtant le web.
photo: Casey
Billet repris dans Tribune de Lyon et Agoravox