Manuel Valls a rouvert la boite de pandore des 35 heures hier en s’y attaquant. Rappellons que Valls ne représente strictement pas grand-chose au PS et qu’on ne parlerait pas de lui si il était élu d’un autre endroit que de l’Ile-de-France où se trouvent la quasi-totalité des studios télé du pays mais qu’il a besoin de faire parler de lui afin de se vendre chérement à un candidat plus susceptible de gagner les primaires. Quitte à évoquer un sujet qu’il ne connait pas bien en demandant un détricotage des 35 heures qui existe déjà, notamment via la subvention via l’argent public d’heures supplémentaires depuis 2007 avec la loi TEPA…
Du coup, suite à cette déclaration, une grosse frange de la droite a applaudi et remet une couche contre une mesure que les leaders UMP promettent d’abroger à longueur de meeting pour chauffer le militant…mais sans jamais oser passer à l’acte, preuve que la réduction du temps de travail, c’est tout de même une bonne chose. Le Président de la République a beau avoir été élu surtout par des gens qui ne travaillent plus (les retraités) il ferait vilain de supprimer une quinzaine de jours de repos à des cadres très stressés, faire rebosser des mères de famille l’après-midi ou faire manier plus longtemps dans la journée le marteau-piqueur.
Très favorable aux 35 heures, malgré quelques désaccords de méthode à l’époque, je trouve surtout que la question de la quantité de travail est, d’un point de vue économique, une notion dépassée, dogmatique et ridicule.
Ce qui compte c’est la productivité, ce que tu produit par ton travail, ce que ça rapporte, à toi ou ton employeur, quel que soit le temps passé. Entre un commercial qui bosse 50 heures et rapporte 10 000 euros par mois et un autre à 37,5 à 58 000 le choix est vite fait pour le patron. Ce n’est pas un hasard si les cadres commerciaux sont d’abord jugés au chiffre. De la même façon un agriculteur cherchera par tous les moyens à finir son travail dans les champs de la maniére la plus efficace et rapide, pas celle qui lui prend le plus de temps de travail.
D’ailleurs à ce petit jeu la droite, très archaïque dans sa vision du travail, oublie volontairement un chiffre: les travailleurs français sont les plus productifs du monde. Eh oui. Un salarié français, certes mieux payé, produit bien plus de richesses par exemple qu’un chinois, un indien ou un vietnamien. Et les 35 heures, qui permettent un peu plus de repos et de formation, un peu plus de s’occuper de ses enfants n’y sont pas pour rien.
D’ailleurs la réalité de l »économie, même dans sa version la plus capitaliste, montre d’elle-même des exemples concrets qui démontent le mythe du bosser beaucoup: les traders londoniens.
Quoi de moins gauchiste, de plus capitaliste, de plus grande caricature de l’électeur de droite que le trader londonien ? Le joueur de bourse professionnel, c’est un peu pour les conservateurs ce qu’est l’éducateur spécialisé pour la gauche , un électorat captif pour lequel son camp fait des monts et merveilles! Eh ben mesdames et messieurs, le trader de la City est avec sa pinte de blonde au pub à 17H ! Mais oui! Cela ne l’empêche pas de faire le job, d’amener de l’argent à son employeur (sinon il gicle) et d’être considéré comme un grand-super-gagnant-du-monde-à-sourire-étincellant…en bossant moins de 40 heures par semaine.
Pendant ce temps vous me direz, il ne faut pas que la caissière de la société qui possède le discount sur laquelle vient de spéculer le trader arrive en retard d’une minute au boulot…Il est vrai d’ailleurs que les emplois les plus subalternes et les moins bien payés sont souvents ceux qui ont les contraintes horaires les plus rigides au passage. Tiens un sujet de futur billet.
Penser le travail uniquement sous la contrainte de la quantité horaire a aussi d’autres aspects négatifs: dans combien de bureaux des salariés perdent leur temps et celui de leur entreprise, font semblant de l’occuper tout en faisant attention de ne pas partir trop tôt pour ne pas être mal vus, quitte à jouer au démineur sur leur ordinateur ? Bien trop j’en suis sûr.En Allemagne, un cadre qui part trop tard est considéré comme un inefficace incapable de travailler correctement.
Il y a plus grave aussi, ce dont se plaignait l’autre jour un jeune chef d’entreprise dynamique que je connais bien: les tâches qui trainent pour donner l’impression aux autres d’y avoir consacré du temps parce que l’exécution rapide peut donner parfois l’impression d’avoir bâclé les choses. Il y a un côté un peu besogneux un peu fatiguant dans la culture du travail en France. Heureusement la chose a tendance a disparaitre…en partie grâce aux 35 heures qui incitent à concentrer davantage son travail.
Bref, quand Valls (qui a toujours travaillé dans la politique et pas ailleurs ce qui explique cela) et une partie de la droite font des théories sur la disparition des 35 heures en évoquant la modernité, j’ai bien peur qu’ils n’aient au contraire un gros train de retard.