Donner un sens à la fiscalité Romain Blachier

« Il y a deux choses inadmissibles sur la terre : La mort et les impôts. Mais j’aurai dû citer en premier les impôts. »
Sacha Guitry

Recul du gouvernement, cette fois sur la taxation des PEA PEL. Cette démarche se faisait dans le cadre d’une fiscalisation plus grande des produits d’épargne.

J’ai vu les partisans et adversaires de la taxation échanger par blogs interposés. Pour ma part l’idée globale était plutôt bonne: les produits d’épargne bénéficient d’une multitude de niches fiscales. Et en ces périodes de sous-consommation à cause de la crise, l’Etat doit-il subventionner la préférence pour l’épargne?D’autant que dans un certain nombre de cas, la taxe supplémentaire était faible,  environ 200 euros, un quart du prix d’un iphone pour un contribuable ayant économisé 60 000 euros.

Mais concernant la taxation des PEL ou de l’épargne salariale, l’idée était particulièrement désastreuse: le PEL (Plan Epargne Logement) est  certes une niche fiscale mais c’est le produit d’épargne de nombre de ménages modestes. Pour  l’épargne salariale,  c’est souvent la seule gratification en plus du salaire dont disposent des salariés modestes. Dans l’absolu tout le monde est contre les niches fiscales, dans le détail tout le monde est pour. Reste que je suis d’accord: toucher au PEL est une mauvaise idée. Donnant aussi l’impression à des gens ayant épargné selon des conditions précisées à l’avance que celles-ci n’avaient pas été respectées.

Bref, seule l’assurance-vie sera touchée, à juste titre. Et tant mieux qu’on en ait retiré le PEL. Pour le PEA, il aurait fallu sans doute un temps de réflexion plus poussé tant sa taxation posait là aussi des questions.

De la réflexion justement: pour une raison qui m’échappe, le gouvernement semble lancer des mesures sans évaluer leur impact avant de faire volte-face.

Et les dossiers sont nombreux. Certes, il arrive aussi que des campagnes se lancent contre des rumeurs de projets de loi, alors que rien n’est ficelé. Mais de trop nombreuses fois on a vu des ministres annoncer des trains de mesures avant de faire volte-face quelques jours plus tard, changeant alors d’argumentaire subitement, laissant ceux qui les ont défendus au début le bec dans l’eau.

Certes cela veut dire aussi que le gouvernement écoute. Mais l’image trop souvent répétée est désastreuse pour le gouvernement, désastreuse pour la politique. Au moins ceci dit, contrairement à Sarkozy augmentant ET la dette ET les impôts de façon massive, un effort est-il fait dans le premier domaine. Il y a, mais oui, encore des gens qui pensent que voter à droite ou à l’extrême-droite réduit les impôts pour d’autres que les grandes fortunes…

Et encourage tous les lobbys, même les plus extravagants. De ceux qui veulent supprimer entièrement les cotisations sociales tout en voulant continuer à bénéficier de la sécu  (la vie est si simple!). De ceux qui veulent supprimer entièrement l’impôt sur le revenu.

Après tout si le gouvernement recule tout le temps y’a peut-être moyen de gratter quelque chose? Et si il ne nous écoute pas, on dira que c’est parce qu’il est composé de méchants marxistes anti business. Et ce genre de discours trouve ses supporters, en partie à cause de l’inconséquence de nos sociétés.

Mais aussi à cause de l’absence de sens donné à la politique fiscale par le politique de tous bords ou presque.

Quand tombe un nouveau prélèvement fiscal, le premier réflexe, humain, est d’en être fort logiquement mécontent. La grande tentation, quand quelqu’un se plaint d’un impôt, une taxe, une contribution sociale c’est de dire qu’on va le retirer. Quelque soit sur le fond la réalité de cet argument. Qu’il aille d’un jeune entrepreneur qui démarre et galère vraiment pour payer son RSI, contraint à ne pas se verser de salaire. J’en connais beaucoup. C’est d’ailleurs pour cela qu’à Lyon, contrairement à d’autres villes notamment UMP, nous avons choisi de les soutenir en ayant une fiscalité légère.

Ou à l’inverse de ce gérant (l’histoire est caricaturale mais véridique) qui me disait l’autre jour depuis sa résidence secondaire de Kythnos dans les Cyclades qu’une augmentation de 20 euros annuels d’un impôt allait le mettre sur la paille…

Si notre fiscalité est un outil complexe, avec un code des impôts de plus en plus épais, si certaines taxes, contributions ou impôts peuvent sembler lourds ou abusif, le politique et le médiatique ne font pas leur boulot: celui d’expliquer le projet derrière. Laissant les populistes politiques et journalistiques de toute sorte réduire la taxation à un gaspillage et une spoliation.

Venir en aide aux plus démunis, soutenir les jeunes entreprises en démarrage, assurer la santé, l’éducation, libérer le pays des chaines de la dette, assurer une retraite, développer le dynamisme des villes etc…tout cela a un coût.

On peut en discuter de ce coût, comment taxer, quoi taxer, quoi éviter de taxer. Mais on doit aussi être précis et donner un sens à la fiscalité comme un élément du bien commun.