Des partenaires forts pour réformer: ma tribune sur le huffpost | Romain BlachierRomain Blachier

Voici la tribune que j’ai publié ce jour dans le Huffington Post sur le syndicalisme français, de travailleurs comme d’entrepreneurs. Elle est intitulée Des partenaires forts pour réformer la France sociale.

La vie syndicale, tant du côté patronal que salarié, est des plus complexes en France. Il y a cinq organisations classées représentatives en vertu de l’arrêté de 1966 des salariés: CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC. On peut y rajouter l’UNSA, SUD-Solidaires, la CNT sans compter une myriades de syndicats autonomes, catégoriels (FSU par exemple dans l’éducation ou syndicats de magistrats) et maisons. Du côté patronal, s’opérant certes sur une population plus restreinte, la situation est à peine moins éclatée. Il y a l’UPA, le MEDEF, la CGPME auxquels on peut rajouter le CIDUNATI et des organisations catégorielles diverses.

Certes beaucoup d’adhésions d’entrepreneurs comme de salariés, se font à la proximité, parce que tel syndicat a une activité locale qui interpelle ou possède un intérêt particulier pour l’adhérent. On trouve par exemple des militants CGT qui seraient ailleurs à la CFDT sur le fond mais trouvent que la Confédération Générale des Travailleurs est dans une dynamique intéressante sur leur lieu d’emploi. Un peu comme aux municipales lyonnaises on trouve de nombreux électeurs de droite qui votent à gauche.

Mais il peut être très difficile, à moins de posséder quelque doctorat en sciences politiques, de connaitre les différences entre toutes les organisations diverses et variées. D’autant qu’une structure comme FO s’est créé par exemple sur un clivage lié à la guerre froide, que l’existence d’une CFTC et d’une CFDT date de débats d’un congrès du milieu des années 60, qu’on peut par exemple être adhérent de la CGPME à titre personnel et faire adhérer son entreprise au MEDEF… bref c’est un peu complexe tout cela.

Certes les élections aux chambres de commerce pour les groupements d’employeurs et pour les délégués du personnel ou dans les comité d’entreprise (pour les sociétés ayant une taille suffisante) pour les salariés peuvent être une occasion de se faire connaitre, en plus de l’action quotidienne. Le débat reste, c’est logique, sur des considérations plutôt locales.

Mais pour ce qui est de la représentativité et du débat sur l’identité des syndicats, c’est tout autre chose.

Pour les employeurs ce n’est pas compliqué, rien n’existe. Même si des pistes sont enfin envisagées. Il y a quelques temps il était envisagé une représentation au nombre d’adhérents. Cela aurait sans doute précipité la course aux adhérents de complaisance. Et puis, il aurait fallu voir comment compter les adhésions. Au nombre de salariés des entreprises membres? Cela aurait avantagé le MEDEF. Au nombre de cartes d’adhérents? L’UPA et la CGPME auraient davantage pesé. Là on va voter il parait. Tant mieux.

Niveau salariés en 2008, un accord salutaire sous le gouvernement Sarkozy-Fillon (il y en eu peu) même si elle laissa beaucoup trop de choses en suspend, lança un processus intelligent: pour être considéré représentatif, un syndicat devait faire 10% des voix aux élections prud’hommales. D’autres part pour qu’un accord d’entreprise ou de branche soit signé, il faut au moins les suffrages d’organisations pesant 30% des voix.

L’idée est bonne, même pas si parfaite. Et amène sans doute à termes une nécessaire recomposition du paysage syndical français: avons-nous besoin d’autant d’organisations diverses pour si peu de syndiqués (6 à 10% des salariés et des entrepreneurs). Ne faudrait-il pas favoriser les regroupements? Et si on augmentait le seuil? Plus de lisibilité, moins de bureaucratie, plus pour les salariés et les employeurs!

Le gouvernement a décidé de suspendre hélas le vote des salariés, ce qui n’est pas une bonne nouvelle, voulant se baser sur le nombre d’adhérents des syndicats. Arguant de la faible participation des salariés. Un peu comme si on supprimait les européennes en répartissant les sièges en fonction des cotisations à l’UMP et au PS. Stupide.

Certes les syndicats de salariés ne sont pas innocents dans l’affaire: difficile parfois de savoir les différences entre les organisations. Et rien n’est fait réellement pour cela. Même, si pour prendre deux exemples la CGT et la CFDT (qui ont d’ailleurs fini en tête) ont fait des efforts méritoires pour cela.

Il faudra aussi poser la question d’une autre élection: celle pour la Sécurité sociale et les Allocations Familiales. Depuis 1983 aucun suffrage n’a eu lieu. 31 ans ! Il y a des totalitarismes plus jeunes…

Il existe une réalité: au moment où le Président de la République veut lancer de grandes réformes, il aura besoin de partenaires des plus légitimes. Et donc des élus. Côté entrepreneurs comme salariés.