Vous ne le savez surement pas mais le professeur Alan Turing a été objet de l’actualité ces derniers jours. Ce brillant mathématicien britannique, qui rendit tant de services à l’humanité, fut pourtant un terrible paria à la fin de sa vie. Il fut tellement harcelé à son époque par les pouvoirs publics et certains de ses contemporains qu’il finit par se suicider dans les années 60. Son crime? Il était homosexuel. Il fut persécuté jusqu’à la mort pour cela.
Turing, héros de guerre, créateur d’ordinateurs, déchiffreur de codes, penseur de l’intelligence artificielle
C’était pourtant un héros et un grand scientifique tout à la fois, à qui son pays mais également le monde doivent beaucoup à divers titres. Alan Turing est pourtant généralement peu mis en lumière.
La première raison de l’évocation de ce grand monsieur ces derniers jours est son travail sur le code Enigma. Un système qui était utilisé par les nazis pour crypter leurs communications. En perçant le système utilisé par l’adversaire, Alan Turing écourta sans doute la seconde guerre mondiale de 2 ans et permis de décider et préparer le débarquement de Normandie. Peu de personnes peuvent par leur travail avoir contribué à tant de liberté.
Et puis, Alan Turing est l’auteur d’un grand nombre de travaux en informatique et de créations d’ordinateurs. Et surtout, à la fin de son existence écourtée, de recherches sur l’intelligence artificielle. On lui doit d’ailleurs en 1950, deux ans à peine avant qu’il soit condamné par l’Etat Britannique à la castration chimique, une question célèbre ‘les machines peuvent-elles penser?’. On retrouve l’influence de son travail philosophique sur l’intelligence artificielle dans de nombreux domaines et y compris dans la culture mainstream comme en témoigne la série Real Humans.
Turing établira les conditions d’un test visant à voir à quel point un programme informatique peut se faire passer pour un être réel. Il faut pour réussir le test qu’en cinq minutes de questions un tiers au moins d’un jury déterminé confonde le programme testé et un humain.
Aucune machine n’avait jamais réussi…jusqu’à hier à l’université de Reading où ‘Eugène‘, un programme créé par le scientifique russe Veselov et simulant un enfant de 13 ans, a réussi à tromper un tiers du jury. Certes en 2011 un programme dénommé Cleverbot tentant le test de Turing avait réussi lui aussi à tromper un nombre suffisant d’interlocuteurs. Mais il fonctionnait essentiellement avec de la data de dialogues humains réels collectés auparavant.Difficile de parler d’intelligence artificielle.
Cet événement est un pas intéressant dans la manière dont on peut programmer des logiciels de conversation humaine. Même si il existe toujours des questionnements dans ce test: qu’est-ce que se comporter en humain? Le test aurait-il eu un autre résultat avec un autre jury?
Et il existe surtout une objection majeure, même si le test est lui-même directement issu des travaux de Allan Turing, répond-t-il réellement à la question de Turing? La machine réfléchit-elle? Ou plutôt ne voyons-nous pas tout simplement les effets d’un programme bien conçu et qui montre un simple aspect extérieur de la réflexion ? On est là dans une imitation de réflexion plutôt qu’à une réflexion réelle, à une pensée réduite à l’expression externe pure.
Reste que cette session est un bien bel hommage à l’oeuvre d’Allan Turing, dont on fête ces jours-ci, avec le débarquement, une contribution majeure à l’Histoire.Mais dont on pleure également les cinquante ans du suicide. Alan Turring s’est en effet tué un 7 juin 1954….10 ans après le débarquement qu’il avait permis.Il faudra attendre 2013 pour qu’il soit enfin réhabilité.