J’ai passé un coup de fil à Toufik Chargui. Le monsieur est membre du MODEM de l’Ain (nul n’est parfait en ce bas monde) et a décidé de rejoindre, avec quelques autres de son parti, la liste de Jean-Jack Queyranne dans son département.
Jusque là rien de surprenant…sauf que depuis quelques jours la polémique est tombée (voir ici et là par exemple) sur ce fonctionnaire de l’éducation nationale puisque Monsieur Chergui est également élu du conseil régional du culte musulman, déclinaison régionale du Conseil Français du culte musulman.
Pour moi qui suit aussi croyant et engagé en politique, la polémique m’a interpellé, du coup, j’ai cherché à en savoir plus.
Le CRCM est pourtant une structure officielle, montée par un ministre de l’intérieur en 2004 qui se nomme Nicolas Sarkozy.Il s’agit de donner une représentation nationale et régionale à l’Islam de France. L’idée, venue à l’origine du socialiste protestant Pierre Joxe, est bonne sur le papier, peut-être plus à nuancer dans l’application.Les détracteurs de la mesure, y compris en interne à l’UMP avec des gens comme Rachid Kaci ou à gauche comme Caroline Fourest, ont notamment pointé la confusion d’une institution où les républicains cohabitent avec des croyants plus radicaux. Mais revenons au sujet de Monsieur Toufik Chergui.
Ce qui est pointé dans l’affaire, c’est une bréve du Figaro dans lequel le Préfet régional aurait signalé l’appartenance de ce candidat de la liste Queyranne à l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France), structure comprenant des gens de talent et d’intelligence comme Azzedine Gaci, président du CRCM Rhône-Alpes mais aussi des éléments plus radicaux, avec des positions parfois peu compatibles avec la laïcité. L’organisation a en effet des liens affirmés avec les frères musulmans égyptiens et cultive sa proximité avec les controversés frères Ramadan.
Le Préfet, ancien des cabinets Sarkozy, dément avoir signalé la chose. Par ailleurs il indique que rien n’empêche un adhérent de l’UOIF de se présenter aux élections (ce qui est logique pour une organisation contestable peut-être mais parfaitement légale). Ah et autre chose, si il en était besoin: Toufik Chergui n’est pas membre de l’UOIF. Elu pour la première fois sur la liste de monsieur Kabtane, de la mosquée de Lyon, homme pour la petite histoire plutôt opposé à l’UOIF.Au moment du renouvellement du mandat des instances régionales du culte musulman, monsieur Chargui, chargé de la question des abattages rituels a eu la possibilité de continuer en intégrant la liste d’union autour d’Azzedine Gaci en tant qu’indépendant.
Alors face au bad-buzz sur le web qui assimilent parfois cet élu et fonctionnaire de la République à un dangereux islamistes (il n’y a qu’à voir certains sites) je me suis dit que c’était une bonne idée de le faire s’exprimer sur un certain nombre de sujet politico-religieux. En espérant ne pas un jour être confondu, parce que je suis engagé dans ma foi, être moi aussi confondu avec un dangereux-vilain-radical religieux. A vous monsieur Chergui.
Le voile :
Personne n’a le droit d’imposer le port du voile à son épouse. C’est d’ailleurs la position de tous les responsables musulmans de France. Par contre, j’ai du mal à concevoir que l’on puisse l’interdire à une femme qui le porte par conviction. On touche là à un des grands principes qui fondent notre république : la liberté individuelle. Ceci étant dit, les citoyens Français, tous les citoyens Français doivent respecter la loi quelle qu’elle soit quand elle est votée par le parlement. Aussi, en tant que Proviseur Adjoint d’un établissement public et donc représentant de l’état je me dois de respecter et de faire respecter la loi du 15 mars 2004 qui interdit le port de signes ostensibles dans les
établissements publics.
Laïcité :
Je pense sincèrement que la laïcité ne doit pas être perçue comme un combat contre telle ou telle religion. La laïcité, ce n’est pas la négation des religions comme le dit clairement la loi, c’est la neutralité de l’État vis à vis des cultes, la liberté de conscience et l’égalité des citoyens devant la loi, quelle que soit leur religion ou absence de religion. Avec le temps, je suis devenu un fervent défenseur de cette laïcité qui reconnait tous les cultes sans n’en favoriser aucun. Je peux même vous dire que les français de confession musulmane acceptent et défendent le concept de la loi 1905 qui a le souci de
promouvoir tout ce qui peut unir les hommes.
La place de l’islam dans la république :
Avec plus de 6 millions de musulmans, l’islam constitue la deuxième religion de France. Aussi, la nécessité de créer une instance représentative du culte musulman n’a fait l’objet d’aucune contestation. Comme toutes les autres grandes religions de notre pays, les musulmans ont besoin de cette structure grâce à laquelle ils pourront discuter avec les pouvoirs publics et l’ensemble de la société et les musulmans avaient le droit de demander cette instance, ne serait-ce qu’à titre symbolique. Aujourd’hui le Conseil Français du Culte musulman est bien installé et les Conseil Régionaux (CRCM) sont bien installés. Tout ne fonctionne pas encore de façon parfaite comme c’est le cas chez les juifs et les Chrétiens mais on ne peut demander aux musulmans de faire en l’espace de quelques années ce que les juifs par exemple ont mis plus d’un siècle à mettre en place. Je pense qu’il est dans l’intérêt de tous que l’islam de France soit organisé et dotée de structures solides capable de jouer le rôle dans le domaine du culte d’interface entre les citoyens de confession musulmane et l’état. Les musulmans de France doivent être considérés comme tous les citoyens Français, ni
plus ni moins.