Adieu Ben Ali, bonjour l'anarchie ! | Romain BlachierRomain Blachier

Un autre point de vue sur la Tunisie. Mon ami et voisin de quartier, le sympathique Sofian Soltani, français dont la grande majorité de la famille est tunisienne a rédigé ce billet. A rebours de la liesse   populaire, Sofian, qui a passé les dernières heures pendu au téléphone avec ses parents et amis de l’autre côté de méditérannée, est plutôt inquiet pour l’avenir de la Tunisie et regarde avec circonspection les événements. Son avis ne sera peut-être pas celui de tous et n’est pas le mien mais il me semblait important de laisser la parole à d’autres voix.

Dans un bilet suivant, il nous fera un panorama des forces politiques en présence dans le pays dirigé jusqu’alors par Ben Ali.

Le vendredi 14 janvier 2011 , le président de la République tunisienne Zine El-Abidine Ben Ali a quitté le pouvoir dans la précipitation pour rejoindre l’Arabie Saoudite qui deviendra son nouveau lieu de résidence jusqu’à nouvel ordre.

 Des scènes de liesse populaire dans les grandes villes tunisiennes comme européennes, symbole parait-il de l’arrivée de la démocratie dans un pays qui pourtant est loin d’être une dictature sanguinaire comme la chaine officielle de la désinformation Al-Jazeerah en est la spécialiste. Il est cocasse qu’une télévision nationale crée par l’Émir du  Qatar bien évidemment « démocratiquement élu », se permette de donner des leçons de démocratie au Maghreb qui , contrairement à ce que l’on croit, se démocratise peu à peu.

Le Maroc se dirige vers un système de monarchie constitutionnelle similaire à celui de son voisin espagnole, l’Algérie essaye difficilement de devenir une démocratie dans un pays gangréné par le fondamentalisme et la corruption et la modeste Tunisie peu à peu se démocratisait.

Contrairement à ses voisins  maghrébins , la Tunisie a toujours fait partie du bloc occidental notamment pendant la guerre froide. C’est le seul pays qui a donné une vraie place à la femme et surtout a donné la liberté totale à l’autre moitié de l’humanité,ce qui demeure une avancée unique dans le monde musulman. Seul la Turquie peut se targuer de concurrencer la Tunisie sur ce sujet. Le droit à l’avortement, la transmission de la citoyenneté par le père comme par la mère est possible et inscrit dans la Constitution tunisienne, la répudiation de l’épouse est interdite dans ce petit pays de 12 millions d’habitants. Il y a mieux. L’avortement et les moyens de contraception furent autorisé en Tunisie dans les premières années de sa naissance bien avant la France !

Il y a eu «  révolution » pour reprendre les termes de Moncef Marzouki, l’ opposant tunisien du dimanche qui se dit « anti-Ben Ali » mais qui a toujours rêvé d’un poste au  Palais de Carthage. Ce dernier a même dit sur les ondes de BFM TV «  nous avons éliminé le Dictateur mais pas la Dictature. Son combat politique se fait depuis la France, le combat d’un homme se revendique solidaire d’un peuple qu’il ne connait plus.

 Alors est-ce quel est le vrai bilan de Ben Ali ?

 Le président déchu Zine  El Abidine Ben Ali est loin d’avoir un bilan catastrophique. Il a hissé la Tunisie au rang de pays le plus compétitif du continent, a transformé ce bout d’Afrique en première puissance économique maghrébine alors qu’elle dispose de très peu de ressources pétrolifères. Cette jeune république est un des seuls pays d’Afrique du Nord disposant d’une vraie classe moyenne. Contrairement à son voisin algérien qui s’est spécialisé dans l’éradication religieuse , on trouve les trois religions parfaitement représentées dans le paysage économique et politique tunisien. Des synagogues , des églises , des mosquées et même des temples bouddhistes se côtoient sur le territoire dans une coexistence parfaite.

La coexistence pacifique des tunisiens de toutes confessions a toujours été une des priorités du gouvernement Ben Ali. Il est le seul Chef d’État du Monde Arabe à recevoir chaque année Haim Bittan le Grand Rabbin de Tunis citoyen tunisien et de confession juive pour lui souhaiter ses meilleurs vœux. Il est à noter qu’en Tunisie les Hauts Dignitaires des trois grandes religions monothéistes ont le statut de fonctionnaire de l’État tunisien.

Ce choix a été fait pour contrer les financements de l’étranger comme c’est souvent le cas en Europe notamment en Italie,en Allemagne voire même en France. Les rabbins comme les prêtres sont formé dans des écoles religieuses spécifiques qui sont financées comme toutes autres écoles publiques de Tunisie.

 Alors, il est vrai Ben Ali et son gouvernement n’ont pas peut-être pas fait preuve d’un grand tact avec les militants du Parti Ennadha (parti se considérant officiellement proche d’Al Qaeda) désirant instaurer un régime intégriste avec la suppression de toutes libertés et la démolition de tous les édifices religieux qui ne sont pas musulmans. Mais Alors ? Qu’était-il supposé faire ?Laisser rentrer ces fanatiques à l’Assemblée Nationale tunisienne ? Les faire rentrer dans un gouvernement d’union nationale ? Ce parti qui a fait parler de lui en avril 2002 par l’attentat contre la synagogue de Djerba. Alors ? Quel comportement adopter ? Doit-on laisser le droit à ce Parti de se présenter ? Des gens qui veulent imposer un régime à la sauce taliban ne méritent rien d’autres que la prison.

 La Tunisie est le pays le plus doté d’universités et surtout 90% des tunisiens sont bilingues (français et arabe).  Le français reste une des deux langues officielles du pays et la langue administrative officielle. Toutes les rues ou avenues sont écrites dans les deux langues et l’enseignement au lycée et en université se fait strictement en langue française.

 A l’opposé de son voisin algérien, la Tunisie possède huit aéroports et deux des plus grands aéroports d’Afrique à Tunis celui de Tunis-Carthage pour ne citer que lui. Ces installations n’ont pas été faite sous Bourguiba , mais sous Ben Ali !

 C’est un fait la corruption gangrène la Tunisie, mais ce phénomène avait plutôt tendance à s’apaiser vu que selon Transparency International qui classait la Tunisie 59ème sur 178 pays. Elle devance des grandes démocraties comme le Brésil, l’Italie ou la Grèce…

Sofian Soltani