Le poison du vendredi: Nicolas Sarkozy et la justice : histoire d’un viol | Romain BlachierRomain Blachier

La justice: c’est le sujet de la chronique de Stéphane Nivet cette semaine.

Alors même que nos ministres n’en finissent plus de vérifier si, par mégarde, un ami africain ne les aurait pas conviés à faire bombance à bord d’un frêle esquif dictatorial, notre Vénéré Président a été soudainement pris d’une envie d’embrener la justice française d’un monceau de démagogie mâtinée d’un étron de populisme, s’échinant à vouloir grimper aux sondages le long de son indignité.

 Il faut dire que le passif de Sarkozy avec le pouvoir judiciaire est déjà lourd. Chacun garde évidemment encore en mémoire l’œuvre judiciaire immarcescible de Sa Suffisance Rachida Dati, Sémiramis semi-mondaine des parquets, qui fut aux tribunaux d’instance ce que Marthe Richard fut, mutatis mutandis, aux bordels, à savoir une militante inassouvie des fermetures Eclair.

 Non content d’avoir réformé le code pénal plus d’une trentaine de fois en 8 ans au rythme inéluctable des faits divers les plus sordides, en tant que ministre de l’intérieur puis en tant que président de la République, Sarkozy s’en est donc pris violemment et frontalement à des magistrats supposés laxistes, excipant de l’horreur du crime de Laetitia pour jeter sur les juges de son bourreau une inacceptable suspicion. Inacceptable car le garant de la constitution viole, en multirécidiviste qu’il est dans ce domaine, le principe de séparation des pouvoirs. Inacceptable parce que cette suspicion odieuse contribue à distiller l’idée que des jurés populaires auraient par nature la main plus lourde que des magistrats professionnels, faisait fi du fait que le meurtrier présumé a déjà été condamné par une cour d’assises.

 Sarkozy est donc parvenu à ébranler le monde judiciaire ce qui, chacun l’admettra, doit  assaillir de regrets Rachida Dati, elle qui convoquait nuitamment les procureurs récalcitrants. Aujourd’hui, même le parquet, parfois même le parquet général, grince et crie à la forfaiture.

On aurait apprécié que le président éprouve autant d’inquiétudes s’agissant d’éventuels dysfonctionnements de la justice au moment où le procureur Courroye baguenaudait lascivement dans l’affaire Bettencourt, confirmant l’adage populaire selon lequel la justice est lente parce qu’elle n’a que deux vitesses.

 Et le pauvre Mercier, garde champêtre des Sceaux, en pleine Fronde, a l’air transi, sidéré par l’idée qu’il va devoir « gérer » une grève des audiences. On raconte qu’un conseiller technique a dû lui expliquer que « grève des audiences » ne signifiait pas que tous ses rendez-vous de la semaine avaient été annulés. Le pauvre semble spectateur,  le regard subjugué par le passage du train de la colère, à peine le temps de ruminer entre deux avanies. Lui faire ça en pleine campagne des cantonales, il faut admettre que Sarkozy a le goût de taquiner.

Stéphane Nivet

 Ps: La semaine prochaine, pas de poison pour cause d’escapade praguoise.