Je prête mes colonnes à mon ami Simon Jolles pour parler de la mort du caporal Alexandre Van Dooren, jeune père de famille, mort pour la France dans les batailles du Mali et de la mort le même jour, par suicide apparemment, de Maitre Olivier Metzner, bien plus médiatisée. Une dichontomie de traitement qui révèle des fractures de classes.
L’actualité a fait se télescoper ce dimanche deux informations morbides. La différence de réaction face à celle-ci ne devrait pas manquer de nous interpeler.
La sociologie des médias regorge déjà d’études montrant l’influence de l’origine sociale de nombre de journalistes sur le traitement de l’information. L’exemple des victimes du Tsunami est bien connu : les dégâts et les victimes de la catastrophe au Sri Lanka ont été beaucoup moins médiatisés par les médias que la situation en Thaïlande, pays plus touristique. Ce phénomène n’a rien de spécifique au journalisme, il démontre simplement un angle de classe.
Le prisme déformant de l’information de classe
L’empathie joue le plus envers ceux dont celui qui rapporte l’information se sent le plus proche, et ce prisme déforme la perception générale de l’information. Une mauvaise langue pourrait estimer qu’on n’est pas très loin de Le Pen déclarant « je préfère les filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines mes voisines à des inconnus et des inconnus à mes ennemis », le traitement de l’information étant ici biaisé et parfaitement subjectif.
Ce dimanche, donc, nous étions informés du décès tragique de deux personnes : un caporal de l’armée française, mort pour la France lors de l’opération militaire au Mali, et un ténor du barreau de Paris. Le Monde nous apprend que cet avocat s’était spécialisé dans les affaires financières, traquant sans relâche les vices de procédures. Les hommages se sont succédés, bien plus marqués pour le second que pour le premier.
Je n’entends pas cracher sur l’avocat ni l’homme. Le rappel du principe selon lequel chacun doit avoir le droit à une défense librement choisie ne peut souffrir aucune exception.
Le grand avocat et le petit soldat
Je me rappelle avoir entendu parler de lui pour la première fois dans le documentaire de Denis Robert « Journal Intime des Affaires en Cours », dans lequel il prenait position contre l’appel de Genève, initiative de magistrat demandant une meilleure coopération européenne dans la lutte contre la criminalité en col blanc. Il dénonçait alors le risque d’un gouvernement des juges.
Le contraste m’apparait dès lors saisissant. Il devrait nous amener à nous interroger sur notre rapport au collectif, l’articulation que nous entendons donner entre la défense que nous entendons donner entre droits et libertés individuels, et la communauté que nous constituons.
Le soldat, Mort pour la France, aura sans doute le droit à un hommage militaire. Il est nécessaire de rappeler qu’un consensus s’est dégagé autour de l’intervention militaire au Mali. Cet homme, comme ceux qui sont tombés avant lui, était au Mali, parce que nous, le Peuple français, l’avions décidé par l’intermédiaire de nos représentants.
C’est à des hommes comme lui que la Nation rend hommage lors du défilé du 14 juillet. Notre pays, bien qu’en paix, est présent dans de nombreuses parties du monde. Et si le mot guerre n’est pas prononcé, il s’agit pourtant bien de cela. Et, enfonçons une porte ouverte, il n’y a pas de guerre propre, il n’y a pas de guerre sans morts. Décidant d’approuver l’intervention au Mali, nous approuvions le fait que certains de nos soldats mourraient. S’engageant dans l’armée française, cet homme savait qu’il pourrait potentiellement partir sur un « terrain d’intervention », faire la guerre en somme, et donc risquer sa vie.
Point n’est besoin d’être Pierre Bourdieu pour savoir que beaucoup des hommes du rang de nos armées appartiendraient, rendus à la vie civile, à ce qu’il est convenu d’appeler les classes populaires. Peut-être le faible traitement médiatique de leur devenir n’est-il pas étranger à ce fait. Toujours est-il que dans notre société, certains repères devraient être rétablis. Notre reconnaissance envers l’engagement de ces hommes qui s’engagent au péril de leurs vies, pour nous, devraient être à la mesure de leur sacrifice. On notera d’ailleurs non sans une certaine surprise, ni un certain agacement, que nombreux sont ces anti-militaristes de base, qui sont prompts à vouloir envoyer nos soldats se faire tuer aux quatre coins du monde.
Le décès de Maitre Olivier Metzner est un drame, et la douleur de ses amis, de ses proches, est inimaginable.
Alexandre Van Dooren, mort pour la République
La mort du Caporal Alexandre Van Dooren nous concerne tous. C’est toute la Collectivité Nationale qui se doit de soutenir sa famille, ses proches. Cest pour nous que cet homme est mort, pour nous, et cette conception du monde qui nous dépasse, ces idées universelles que nous rassemblons sous le nom de République, ces valeurs grâce auxquelles nous nous reconnaissons en la France.
Puisse-t-il recevoir l’hommage qu’il mérite, et puissent ses camarades qui restent au front encore à l’heure qu’il est, recevoir notre gratitude pour leur engagement.