Cela faisait quand même bien longtemps que je n’avais mis les pieds à Avignon. Enfin pour le festival je veux dire.
Un 68e festival d’Avignon placé sous le signe de l’intermittence
Un festival placé cette année sous bien sûr la juste cause de la défense des intermittents du spectacle. Une cause, j’en ai déjà parlé ici, que je soutiens pleinement. Un statut, l’intermittence, sur lequel il serait sans doute judicieux de reprendre des pistes fournies par le principal syndicat du secteur, la CGT-spectacle et par les employeurs du SYNDEAC. Un statut sur lequel il est ahurissant que rien n’aie été pensé pendant et avant que les prévisibles négociations ne s’engagent. Un accord ensuite, je l’ai rappelé d’ailleurs à plusieurs reprises pas plus tard que ce midi, qu’il aurait à mon sens, je l’avais dit, fallu ne pas signer.
Mais un statut qui fut défendu étrangement ces deux derniers jours lors de la maladroite visite d’Aurélie Fillipetti: les collectifs décidèrent de refuser de lui parler, estimant qu’elle n’avait pas vraiment le dossier en main. C’est leur droit. Mais alors pourquoi certains, certes minoritaires, mêmes membres de ces collectifs, firent-ils la chasse à cette même Ministre de la Culture, qu’ils ne voulaient donc pas comme interlocuteur, dans les rues d’Avignon?
Avec, au milieu d’eux, un grand nombre de militants de diverses organisations politiques radicales , descendus tout exprès à Avignon. Des structures aussi peu concernées par la culture que moi par le hockey subaquatique en temps normal.Sauf quand bien sûr il ne s’agit pas de tenter de récupérer la lutte à d’autres fins que le sujet culturel et la survie du statut d’intermittent. Certains refusant d’ailleurs que des solutions spécifiques soient apportées aux travailleurs culturels…tout en s’en prenant là aussi tout de même à la Ministre de la Culture ! Qui, en plus de voir son offre de discussion refusée, fut interdite de voir les spectacles.
Résultat, une ville en ébullition, des élus locaux et des intermittents agacés et un débat sur la culture avec la Ministre qui se tint en vase clos, votre serviteur ayant d’ailleurs fait partie des interdits d’entrée. Mauvaise affaire pour Aurélie Fillipetti, mauvaise affaire pour les intermittents, mauvaise affaire pour le festival.
Un festival d’Avignon jalonné de rencontres
Mais justement, parlons du festival. Avant de commencer par les pièces que j’ai apprécié avec parfois mon colloc de Festival Nicolas Bertrand de la compagnie Image Aiguë , j’ai aussi beaucoup aimé les instants prévus par la Région Rhône-Alpes, avec autour Jean-Jack Queyranne et de ses équipes à commencer par Farida Boudaoud, Abraham Bengio, Olivier Tur et Isabelle Salomon autour de 350 créateurs de Rhône-Alpes. Et aussi le débat sur la péniche auquel j’ai participé au sujet de Balise, heureuse initiative partie du théàtre de l’Elysée ( à Lyon 7e pour ceux qui ne connaissent pas!) avec pour but de fédérer les différents lieux de diffusion théâtrale du Grand Lyon. Nous avons beaucoup parlé des moyens de s’adresser à de nouveaux publics. Un moment passionnant avec de vraies perspectives.
Et puis, et puis il y a eu d’autres rencontres, par exemple avec ma collègue conseillère municipale Marilyne Croyet en charge du numérique à Avignon avec qui j’ai pu discuter sur mes suggestions d’actions et sur nos mandats respectifs. Et mon copain Amine, maire du quartier nord d’Avignon.
Les sept pièces que j’ai vues au festival d’Avignon
Et puis bien sûr il y a le théâtre. J’ai vu 7 œuvres au total. Six plaisantes et une moins. 2 du in et 5 du off. Petit tour dans l’ordre où je les ai vues.
-L’errance moderne d’Alexandre Texier (dans le off) Entre le monologue théàtral et le one man show.Des personnages bien campés,un talent évident d’incarnation des personnages,de la beauté, de l’humour et un beau discours sur la passion, la véritable passion. Un spectacle à recommander pour rire, même si quelques blagues très mineures peuvent être revues, et surtout pour être ému.
-Mai, Juin, Juillet (dans le in) une pièce du contingent local puisque issue du TNP de Villeurbanne. Une pièce copieuse, tant dans sa durée que dans son nombre d’acteurs. Une pièce en trois temps: juin où les étudiants s’emparent de l’Odéon sous les yeux de Jean-Louis Barrault, juillet où l’on assiste au TNP à la rédaction d’un manifeste de création théâtrale à Villeurbanne, Juillet où l’on est dans les pas de l’édition 68 du Festival d’Avignon et de Jean Vilar. Un beau moment d’époque, une belle performance des deux acteurs principaux Marcel Bozonnet et Robin Renucci.Les trois parties sont inégales: Mai est juvénile, révolté et est une plongée d’époque dans un temps de vivacité révoltée visualisée par de jeunes comédiens et figurants en nombre. Beau moment, spectaculaire à souhait.
Juin est plus gris à l’instar des costumes qui parsèment alors la scène. Il s’agit d’évoquer le manifeste culturel qui fut rédigé alors au TNP de Villeurbanne. On est ici, malgré la dose de légèreté amenée parfois par l’auteure fictive de la pièce et sa comparse incarnées par Laurence Besson et Magali Bonnat au bord du trop plein devant tant d’autocélébration datée et d’apologie du soi. Juillet redonne de la vie et des couleurs avec les errances de Vilar, ses confrontations avec les révoltés, son discours sur la culture. Une pièce qui pourrait être amputée en partie de son centre mais m’a fait passer globalement un grand moment de théâtre.
-Dom Juan 2.0 (dans le Off) une pièce lyonnaise puisque issue des Asphodèles de Thierry Auzer et dans lequel l’une des lumières fut ma copine Lysiane Clément. Arrivé en retard malgré le rappel que m’avait fait une autre copine théâtreuse qui se rendait aussi à la représentation, Charlotte Robin, j’ai d’ailleurs failli par erreur m’asseoir sur scène aux côtés de la première. Si Molière a eu pour effet, joué de 0façon parfois trop classique, de terrifier les jeunes spectateurs du théâtre, celui-ci, sous couvert de modernité, renoue en fait avec les racines du signifié de la pièce. Les acteurs font ressortir toute la fierté des êtres, tout le désir des chairs, toute la désespérance de vie de l’original. Tout en allégeant le propos avec des acteurs qui débattent entre eux de la meilleure façon de faire, de façon très drôle, ajoutant une poignée de douces cerises au beau et goûtu gâteau frais.
-C’est pas la mort ( dans le off) Ayant raté, pour cause de spectacle complet, la représentation de L’homme qui tua Dom Quichotte des lyonnais de Premier Acte (que je vis du coup le lendemain) , je me suis refugié un peu par hasard dans ce one man show à proximité. Qui fut ma seule vraie déception de spectacles vus. Oh rien de catastrophique, on rit un peu, on passe quelques bons moments et c’est déjà bien plus que nombre de comiques pourtant reconnus.Mais des sketchs trop convenus et chutes vraiment pas terribles.
-Vitrioli (dans le in) Mise en scène du patron du festival Olivier Py, dans le lieu mythique de la Fabrica. Texte ( la traduction française tout du moins puisque jouée en grec sous-titré dans notre langue) avec de belles fulgurances. Davantage succession de tableau que pièce unitaire d’une certaine façon. Ou plutôt touches de sombres jusqu’à l’irréparable. Sur la difficulté de s’affranchir des désirs et pressions d’autrui. Une pièce en apocalypse au milieu des cendres. Avec un engagement des acteurs assez inimaginable et qui tient de la réelle performance.
– Karl Marx le retour (dans le off) Un monologue malicieux, intelligent, politique (forcément) sur un monde d’hier pas toujours juste, sur les idéologies réelles et sur les idéologies dévoyées en dictature, sur la vie intellectuelle hier et aujourd’hui. Un excellent moment d’histoire et d’actualité.Un jeu didactique mais jamais pénible. Très agréable.
-L’homme qui tua Dom Quichotte ? (dans le off) par les lyonnais de Premier Acte. Un musicien. Une actrice qui fait conteuse. C’est dépouillé, plus que je ne l’imaginais. La compagnie aime à pratiquer la rencontre du conte et du théâtre. L’actrice a de la présence, de l’expressivité, qui permet de transmettre généralement efficacement un dialogue à plusieurs voix dans cette mi-lecture musicale, mi jeu des êtres où les cordes accompagnent agréablement les mots.
Nathalie Veuillet, Lysiane Clément, Charlotte C Jarrix liked this post