Disons-le d’abord: Je ne supporte pas Florent Pagny, ni ses chansons (mis à part la toute première, dont le clip matinal sur notre antique premier téléviseur me mettait en retard au collége. Ceux ci dit la méche et perfecto ça fait quand même moyen crédible là) ni le bonhomme, franchement pénible.
J’avais même envisagé de monter une manif politico potache devant la Halle Tony Garnier avec une grosse banderole « Paye tes impôts » devant un de ses concerts à l’époque où notre millionaire refusait de verser un kopeck à la solidarité nationale.
J’avoue par contre que le procés en sorcellerie qu’il lui a été monté hier m’a gonflé, malgré les approximations énormes qu’il a sorti. Sur Chérie Fm, il a déclaré « “Un jour ton môme il rentre à la maison et se met à parler rebeu. C’est pas possible (…) le verlan encore, tout va bien, mais là il n’y a pas de raison. Les mômes ont peur donc ils raccrochent des codes pour ne pas se faire emmerder”.
Le Nouvel Observateur, magazine vieillissant jamais en retard d’un raccourci crétin ainsi qu’un certain nombre de structures et de médias en déduisent que Pagny refuse que leur enfant parle arabe et hurlent au racisme. Des sites d’extrême-droite claironnent sur le thème « Il est des noooooooootreeuuh il aime pas les maghrébins comme les autreeeeeeehs. » Il y a la un nombre d’erreurs assez conséquents de la part des médias et associations antiracistes, tout comme de la part du chanteur.
1-La langue visée par Florent Pagny n’est pas l’arabe mais ce qu’on appelle en termes politiquements corrects « le sociolecte des banlieues », un mélange d’argot français et de quelques mots d’arabe dialectal. Un langage que d’autres appellent le « zyva », termes dont certaines associations de quartiers se sont emparées avec bonheur. Il y a des phrases du style « Ouaich la Kaalouche elle est grave bonne ! » ce qui veut dire « Tu as vu, cette demoiselle afro-caraibéenne est bien faite de sa personne« .
On est loin de donc loin de la langue arabe et des textes de Nâzik al Malâ’ika Salâh ou ‘Abd al Subbûr. On ne sache pas que la langue visée par Pagny formule des mots et des phrases telles que « Lorsqu’en Orient, naît la lune Les blanches terrasses s’assoupissent Dans des amas de fleurs, Les gens abandonnent leurs échoppes Et vont ensemble A la rencontre de la lune. Ils portent leur pain, leur phonographe Et les accessoires de leur drogue Jusqu’au sommet des montagnes. Ils vendent et achètent Rêves et rêveries Et se meurent Quand la lune est en vie. Que fait de mon pays Un filet de lumière ? » du poéte Syrien Nizar Qabbani. Ou alors la chose nous aura échappé.
Le « rebeu » de Pagny n’est pas plus l’arabe littéraire, c’est la d’ailleurs où l’expression du chanteur est sujette à caution, qu’elle n’est la langue ou le patois des magrébhins de France. Ceux-ci, n’en déplaisent aux antiracistes approximatifs tout comme à l’extrême-droite, parlent pour la plupart tout simplement français. Bref, que le chanteur aie envie que son fils s’exprime autrement que par un argot certes inventif mais chaotique est son droit.
2-Quand bien même Florent Pagny n’aurait-il pas souhaité que son fils apprenne l’arabe littéraire que cela n’en fait pas non plus un disciple de Le Pen. Le MRAP demande-t-il des excuses à chaque parent qui veut que son fils fasse allemand en deuxiéme langue et pas espagnol ? Il ne faut pas exagérer non plus.Aurait-il du dire obligatoirement la phrase inverse « Je souhaite, j’espère que mon fils parle ‘rebeu' »? On va donc avoir « argot des quartiers première langue » en obligatoire ?
3-Peu de gens se sont penchés sur la deuxiéme partie de la phrase du chanteur « Les mômes ont peur donc ils raccrochent des codes pour ne pas se faire emmerder”. La phrase est bêtement généralisante. Si elle était complétement réelle, cela voudrait dire que TOUS les écoliers de France parlent l’argot des cités et que partout ceux qui s’y refusent sont brimés . Ce qui n’est évidemment pas le cas. Le chanteur est ici ridicule et parano.
Reste que dans certains établissements, surtout situés dans des quartiers populaires à forte population la norme peut en effet être celle-ci et les éléves non issus de la culture magrébhine dans ces lycées ghetoisés être victimes de discriminations. La solution passe par un regard réaliste et non angélique. Elle passe aussi par une éducation nationale de qualité, qui ne peut être financée que si il n’y pas trop de gens qui rechignent à payer leurs impôts, hein Florent Pagny !