Faire un billet sur un sujet pour se plaindre qu’il en soit trop question est toujours un paradoxe. Mais le FN possède ses derniers temps une couverture médiatique à faire passer Apple, Quentin Tarantino, Nabilla, Britney Spears et Béyoncé réunis pour d’anonymes individus relégués aux pages carnets des gazettes les plus obscures. Le FN est aujourd’hui mis au centre de la scène politique par les partis politiques et les médias sans que celui-ci, ni beaucoup de ceux qui le soutiennent par leurs votes, soient réellement interrogé sur ses incohérences.
Je suis assez fatigué de voir cette mode consistant à mettre le FN au centre de tout. C’est d’ailleurs à mon sens cette focalisation qui explique ses bons sondages et certains de ses résultats.
Et puis assez qu’on voit des montées d’extrême-droite de partout. Même sur une simple cantonales partielles, où d’ailleurs la gauche a été la seule à mettre le candidat républicain en tête au second tour. A force on les auto-réalise. Tenez ce « c’est la première fois qu’un FN gagne contre un UMP en duel » ! Alors qu’en 1994, il y a près de 20 ans, la candidate FN Eliane de La Brosse battait le maire de Toulon de l’époque Maurice Arreckx.
Une presse qui fait un travail contrasté selon les titres
On peut accuser les médias. Mouais. Mais oui un peu. Ils ne sont pas seuls mais portent une responsabilité. D’abord par exemple ce soir en donnant une importance dantesque à une cantonale partielle dans un coin du Var qui est déjà un bastion du FN.
On ne sache pas que quand le docteur-vétérinaire Frédéric Miguet (divers droite) remporte le canton Beaujeu l’on parle d’une vague de médecins animaliers qui déferlerait sur la France.
Et puis il est question, dans le bruit médiatique; matin, midi et soir du parti lepeniste. Rien qu’hier numéro de samedi de Libération et du Monde avaient le parti de Marine Le Pen en une. Et les émissions politiques ne sont pas en reste. Yves Calvi passe des roms au FN, de l’immigration au FN, de l’insécurité au FN de semaines en semaines dans Mots Croisés.
Plus que de parler du FN, c’est à la mise en avant de ses thèses qu’on assiste chaque jour.
Il suffit d’être contraint sous la torture ou la pression de son épouse à regarder le journal de France 2 pour qu’un torrent anxiogène vous submerge, à base d’impôts, de trafics d’armes, d’étrangers, de roms et de faits divers. Bien sûr France 2 est loin d’être seul en cause: une ingestion de BFMTV quotidienne offre aussi son lot d’infos du même tonneau.
Et si à juste titre sont évoqués les drames sociaux des usines qui ferment et le délocalisations, on voit peu d’évocation des succès indéniables des boites françaises à l’étranger. Et je ne parle pas de l’Express, autrefois digne magazine, tombé trop souvent ces derniers temps dans un populisme de validation des thèses du FN par ses couvertures douteuses.
Et puis on pourrait enfin regretter que, lorsqu’elle est dans les médias, Madame Le Pen soit aussi peu interrogée sur son programme: quel est-il? comment le financer? Il serait surprenant qu’un chômeur du nord de la France aie une même vision du programme frontiste qu’un riche bijoutier des Alpes-Maritimes… L’inculture politique des journalistes de RTL qui interviewaient la Présidente du Front National tout à l’heure était à ce niveau des plus flagrantes.
C’est tout de la faute aux médias? Pas sûr. D’autant qu’il y a aussi sous beaucoup de plumes un travail d’explication, de pédagogie, d’immersion. Un travail qui est nécessaire et formidable. Moins quand on ergote pendant des jours sur les terminologies à employer sur le FN.
Les partis politiques dans les choux
Reste aussi la responsabilité des politiques: Mon parti, le Parti Socialiste, a consacré une université d’été, un séminaire et une campagne d’affiches absolument ridicules à attaquer le Front National. Certes on peut trouver absolument désespérant la vacuité de la principale organisation d’extrême-droite. Mais quand on passe une partie majeure de son temps dessus au détriment d’autres thématiques plus importantes, c’est à la fois indigent et ça fait un peu tactique pour occuper les militants. Et puis, bon ces grandes déclarations solennelles sur Brignoles (Ou Brignolles, je ne sais plus combien on met de L) me fatiguent tant elles sont le degré zéro de la pensée politique.
Le Parti Socialiste n’est pas le seul: en lui courant après, l‘UMP a réussi à ce que les thématiques du FN soient centrales et ses solutions acceptables. Il n’y a qu’à voir les propos et dérapages commis chaque semaine par le parti de Fillon et Copé.
Une motivation: se venger d’un peu tout et n’importe quoi
Enfin les électeurs.On ne sait pas parler des électeurs du FN. On peut soit les diaboliser, ce qui, l’unanimité politique et médiatique le dit, serait une méchante erreur de bobo, soit le comprendre. Alors quand vous passez à comprendre, vous avez souvent celui qui veut copier le FN et porter les thématiques du Front et ses propositions en bandoulière. Ce qui amène bien sûr tout simplement à oublier que la majorité des électeurs n’ont pas envie d’un pays renfermé sur lui-même, n’ont pas voté FN et ont donc envie qu’on respecte ce pourquoi ils se sont prononcés. L’électeur frontiste à se sentir conforté et l’électeur non frontiste à se dire que le FN n’est pas si mal puisque ses thèses sont reprises partout.
Au-delà de cela pourquoi des gens votent-ils FN? Schématiquement pour une raison simple: se venger des autres.Ce qui est certes plus facile que d’examiner sa propre responsabilité. Même si bien sûr les dommages que nous subissons dans l’existence viennent aussi parfois des fautes d’autrui. Et que bien sûr que la politique, lorsqu’elle ne fait pas son travail, contribue aussi au Front National.
Notons d’ailleurs un paradoxe: certains votent en se plaignant de l’absence des politiques pour des candidats du FN absolument invisibles le plus souvent en dehors des périodes électorales.
Mais le point central est de se venger.
Se venger de ceux qu’ils considèrent différents d’eux et dont ils pensent qu’ils leurs causent du tort. Cela va d’un papy qui trouve que la mobylette du jeune en bas fait du bruit, une dame qui a l’impression, à tort ou à raison, que sa ville est pleine de violences causées, le salarié à qui on a expliqué que les chômeurs gagnaient en réalité des fortunes à ses crochets en secret, l’individu qui préfère attribuer sa mauvaise gestion et sa faillite à d’autres etc… Se mélange souvent des faits vécus et des faits fantasmés. Et comme le FN n’apporte pas vraiment de propositions précises, chacun projette sans être démenti l’illusion de la résolution de ses soucis divers, y compris quand ils proviennent de ses propres fautes, dans un vote frontiste.
Oui, au-delà du rejet de celui qu’on perçoit comme différent et nuisible, cette différence étant d’ailleurs souvent fabriquée par le FN, il y aussi une vengeance sur les tracas de la vie.
Je me souviens du témoignage édifiant d’un homme croisé au hasard des lieux de Lyon.
Celui-ci m’expliquai son vote par le fait qu’il devait rembourser les crédits d’un téléviseur plasma et d’un gros véhicule, tous deux beaucoup trop chers pour son budget. Au lieu de se poser la question de ses choix de consommation, des possibilités éventuelles de pouvoir trouver une situation plus en adéquation avec son envie ou même de militer ou de voter pour des forces syndicales et politiques prônant plus de répartition de richesses, le monsieur votait pour qu’on ne laisse plus entrer de téléviseurs en France pour ne pas le tenter.Et donc se venger de sa télé…
Et, autre pilier de motivation, il y a le fait par son vote d’ennuyer les politiques et les médias. Quand on voit les émotions qu’amène un simple scrutin cantonal, on se dit que l’électeur qui met un bulletin FN dans l’urne doit se sentir maitre du monde. D’ailleurs l’électeur FN quand il vous interpelle verbalement, vous balance son choix dans la gueule, comme une pierre de fronde en croyant vous faire peur. Moi je n’ai pas peur, je trouve que jouer à la fronde après 18 ans, c’est un peu futile.Et qu’aucune loi n’interdit à un type de se tirer une balle dans le pied.