« Je m’endormis, et à mon réveil trouvais que ma difficulté avait beaucoup perdu de sa violence. »
Augustin d’Hiponne
Un pays pas très serein niveau religieux, c’est l’impression qu’on pouvait avoir ce week-end au premier abord, faisant le miel des inquiétudes, des sectarismes et des bouffeurs de spiritualité de toute
sorte.
C’est d’abord le cardinal Barbarin, homme certes conservateur mais en temps normal subtil et intelligent, qui a fait fort en ouvrant le bal. Il a évoqué au sujet de l’ouverture du mariage pour tous ceux qui le souhaitent, de porte ouverte à la polygamie et à l’inceste. L’AFP puis le Figaro le reprenant évoquèrent des propos tenus devant des ministres en visites avant que ceux-ci démentent… En effet les propos en question existaient bel et bien mais avaient été tenus
sur les antennes de médias lyonnais. Il avaient en tous cas été tenus.
On était loin du débat serein demandé par nombre d’acteurs de l’Eglise Catholique à l’instar de Monseigneur Dacourt, opposé pourtant lui aussi à la possibilité de mariage pour tous. Oui, pourquoi pas refuser les caricatures pour discuter ? C’est ce qui a été fait pendant la campagne législative, durant les présidentielles…Mais ce sera le cas dans les deux chambres. Et évidemment cela peut être discuté sereinement et sans caricature partout ailleurs. Encore faudrait-il, pour ne pas être caricaturé ne pas être caricatural. Notre Primat des Gaules s’est sans doute positionné, à travers sa virulence, pour des raisons y compris internes, en chef de communauté plutôt qu’en porteur de parole universel. C’est son droit, c’est aussi celui de ceux qui ne sont pas de son obédience de ne pas vouloir être soumis dans la loi civile à sa
ligne.
On croyait tout juste en être sorti et remis de nos émotions spirituelles lorsque sont arrivés coup sur coup deux autres nouvelles : quelques centaines de personnes, appartenant à la mouvance salafiste selon la police pour un certain nombre d’entre elles, s’étaient rassemblées en une manifestation non déclarée ayant pour but de protester contre un film imbécile caricaturant et insultant Mahomet.On ne sait si certains manifestants avaient les mêmes inquiétantes pancartes appelant à décapiter leurs adversaires que l’on apercevait au même moment dans une manifestation similaire à Sydney ou s’ils cherchaient à saccager une école comme en Tunisie. Manuel Valls a d’ailleurs été ferme dans sa volonté de vouloir faire toute la lumière sur cette affaire et Frédéric Lefebvre a appelé son ami de parti François Fillon à plus de retenue dans l’exploitation de cette affaire. On reste tout de même stupéfié par la puissance promotionnelle que donnent à cette horreur cinématographique les participants aux divers
rassemblements de protestations un peu partout dans le monde.
Mais il restait encore une dernière étape, vendredi et samedi n’ayant pas suffit à notre ration insatiable d’épiphénomènes religieux : A la fête de l’Huma, sympathique rassemblement aussi large que les ventes du journal organisateur sont faibles, l’essayiste Caroline Fourest n’avait pu intervenir dans une conférence où elle devait évoquer le combat contre le FN. La demoiselle, qui se revendique féministe, de gauche et laïque, avait le tort d’enquêter sur les extrémismes tant chrétiens que musulmans ou juifs. Il n’en fallait pas plus pour quelques uns pour mélanger l’ensemble et l’exception, pour, de façon paradoxale de la même façon que l’extrême-droite, assimiler islamistes radicaux et musulmans et accuser Fourest d’être anti-Islam et la chasser sans la laisser
parler.
Le lendemain, dimanche, c’était plus calme dans ma vraie vie. On prenait sans doute, en ce jour de repos pour le plus grand nombre, un peu de sérénité. Je me levais un peu trop tard pour aller au temple protestant, mes parents et ma sœur étaient plus sérieux et
allaient sans doute, eux, dans leur paroisse catholique.
La synagogue de mon quartier fêtait le premier jour de Roch Hashana (année 5773, excusez du peu). Mon épicier musulman sunnite échangeait sur les sourates avec son voisin musulman malikite. Bref, n’en déplaise à ceux qui assimilent la spiritualité à l’absence de paix et de sérénité et qui auraient pu être renforcés dans leurs poncifs par ce week-end par une infime minorité, on pouvait opposer, malgré une nécessaire vigilance, en cette fin de week-end ce dimanche cette phrase d’Augustin d’Hipponne
(Saint-Augustin pour les catholiques) : « Je m’endormis, et à mon réveil
trouvais que ma difficulté avait beaucoup perdu de sa violence. »
Chronique parue à l’origine sur Lyon Mag