Critique et avis sur le Film Potiche de François Ozon – Romain BlachierRomain Blachier

Mon copain Walter Graci, qui a la lourde responsabilité du Parti Socialiste du 6e arrondissement, est un grand amateur de cinéma. Moi qui aie trop rarement le loisir d’une salle obscure, je lui ai demandé de faire la chronique du dernier film de François Ozon « Potiche ».

Ozon signe ici son 12ème long mètrage en réinterprétant librement une pièce de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy jouée notamment par Jacqueline Maillan au début des années 80. C’est cette période d’après crise pétrolière qu’Ozon souhaite investir pour mieux nous parler de notre décennie, plus de 30 ans plus tard.

Et quelle réinterprétation, un mélange coloré de séries 70’s façon drôles de dames avec une Godrèche décolorée à souhait ! Des plans très Amicalement Votre, des clins d’œil nourris des séries qui ont bercé tous ceux qui se rappellent de Dallas.

Et pour les autres, les plus jeunes spectateurs qui ne sauraient (et cela reste à démontrer) interpréter ces références, il reste les mots d’aujourd’hui, le théâtre qui ne change jamais. C’est un film qui parle à nos parents et à ceux de plus de trente ans : Des chansons du groupe il était une fois ont inévitablement accompagnés nos aïeux et nous en avons profité dans le berceau ou à 4 pattes dans le salon (nous étions jeunes).

Depuis 8 femmes et ses actrices-femmes-chanteuses, le réalisateur parisien aime les chansons. Il en joue pour mieux nous divertir mais surtout, je le pense, pour créer un pont entre le cinéma, le spectacle et le théâtre. Car dans Potiche, tout est théâtre que ce soit la mise en scène, avec beaucoup de prises intérieures ou avec le jeu des acteurs, je devrais plutôt dire le sur-jeu. Cette exagération attire le rire et le comique sur des personnages de prime abord caricaturaux. Deneuve en Potiche, Fabrice Lucchini en patron post-patriarcal, Viard en secrétaire marie couche toi là, Godrèche en fille à Papa et Régnier en Bobo avant l’heure, décalé de la bourgeoisie sans trop sans éloigner. Il reste Depardieu en communiste (en pensant à ses propos actuels on en rigole d’avance) sincère mais naïf en amour.

Mais les personnages ne sont pas faits pour rester de marbre, ils changent, ils évoluent et comme dans toutes pièces de théâtre ils vont se transformer. Un film de François Ozon c’est toujours une surprise, un tableau peint en plusieurs couches et si la 1er nous semble être un portrait candide presque impossible dans la réalité, le jeune quadra nous emmène dans les méandres de la complexité humaine. Potiche parle de politique mais c’est un prétexte pour nous dire que nous ne sommes jamais là où on nous attend. La potiche ne restera pas cruche et les personnages changeront de place au point de nous interroger sur la nôtre. Notre place dans la société, notre place dans la famille, car Ozon fait bouger en trame de fond les rôles et les positions pour franchir les interdits tout en nous faisant rire.

C’est aussi un film engagé à l’époque du sarkozysme tout puissant. D’un « casse toi pauvre con » à un « pour gagner plus, il faut travailler plus », Ozon fait le tour de la politique droitière sans concessions en nous rappelant les inepties du libéralisme. Mais la gauche caviar n’est pas épargnée dans ses compromissions très « badaboum » (faut voir le film pour savoir), champagne et putes à volonté. On se sent beaucoup mieux après.