Jusqu’à il y quelques jours, je pensais que le rapport sur l’auto-entreprise n’allait mener qu’à quelques changements à la marge. Je me trompais, on prépare ici une réforme dans le mauvais sens d’un dispositif intéressant au lieu de favoriser et d’assouplir la création de sociétés sous d’autres statuts pour y faciliter l’accès. Les créateurs d’entreprise qui viennent me voir pour des conseils ou de l’aide au titre de mon mandat d’adjoint au maire choisissent souvent l’auto-entreprise pour une raison simple: sa simplicité justement.
Le dispositif d’autoentreprise est depuis sa création à l’origine de nombreuses sociétés.
L’année de sa naissance, j’ai moi-même, sous l’impulsion d’un ami de l’époque, créé mon auto-entreprise qui fut mon activité professionnelle à côté de mon mandat d’élu pendant quelques temps avant que je me mette à travailler chez mon employeur actuel. Aujourd’hui elle existe encore mais fonctionne de manière très ponctuelle, sur quelques cours et missions de consulting par an, par manque de temps. C’est donc une modeste activité complémentaire. Par ailleurs au titre de mon mandat, j’accompagne de nombreux créateurs d’activités. Nombreux sont les autoentrepreneurs parmi eux, qui se lancent par ce biais dans l’aventure de entrepreneuriat.
Une société sur deux se créé aujourd’hui sous ce statut. Certes il souffre actuellement d’un manque criant de protection et de reconnaissance et demande à être amélioré .
Il vaudrait mieux se concentrer sur le fait de faciliter la création d’entreprise et la reconnaissance des auto-entrepreneurs
Certes également il s’agissait d’un statut d’entreprise de plus là où il aurait plutôt fallu assouplir la création et la fiscalité de l’existant.
Et il existe une réalité: seul un quart des autoentreprises dégagent un revenu et à se donner un salaire, généralement plus faible que le salaire médian français.
Et oui des dérives existent dans ce statut perfectible.Certes aussi il faut sans doute créer des gardes-fous pour protéger les individus et éviter de tomber un jour dans les travers d’un pays comme le Portugal où depuis le retour de la droite, on déguise de force des chômeurs en entrepreneurs en les obligeant à se déclarer autoentrepreneurs pour faire baisser les statistiques.
Mais une vraie réforme consiste d’abord à une reconnaissance de ce type d’entrepreneur, souvent considéré à tort comme un créateur d’entreprise de seconde zone. Et parmi les rares aspects intéressants ce qui est proposé par la Ministre, l’inscription aux chambres de commerce et d’artisanat va dans ce sens, même si il faudra en voir les conditions.
Eviter de mettre des murs aux aventures
L’auto-entreprise est l’occasion pour de nombreuses personnes de créer facilement, avec fort peu de contraintes administratives, une activité indépendante, en principal ou en complément d’un autre travail, quitte à évoluer ensuite vers des solutions type EURL. De plus son système de cotisation est des plus adaptés aux faibles revenus,celles-ci n’ayant à être réglées qu’en fonction du chiffre d’affaire encaissé (ce que permet aussi certains régimes de la microentreprise).
Ce qui est proposé actuellement est de limiter à deux ans le statut d’autoentrepreneur pour l’activité principale et à un chiffre de 10 000 euros annuels pour les activités secondaires.
Il est difficile de comprendre l’utilité du volet de cette réforme qui ne fait que pénaliser de jeunes entrepreneurs précaires et des salariés qui cherchent souvent un complément à des revenus salariés trop modestes.
Les discussions sur la réforme du statut ont principalement porté sur les métiers d’artisanat.Mais la part de autoentrepreneuriat y est pourtant particulièrement faible: moins de 1% du chiffre d’affaire de se secteur est réalisé par des autoentrepreneurs, qui se situent massivement dans les métiers de la vente ou du service.
Peut-être alors faut-il exclure le BTP du statut si le problème est là. Ceci dit on ne voit pas en quoi changer de statut et amener les autoentrepreneurs du bâtiment à la microentreprise changerait vraiment quoi que ce soit. Surtout pour un problème qui comme le dit Stéphane Soumier est résiduel. Bref, on est sur une fausse problématique.
Quand à autoentreprise globalement prise, il est difficile de comprendre pourquoi on essaye de monter une usine à gaz sur un dispositif dont le principal mérite est d’être simple. Si l’envie est d’amener ceux qui s’y lance à créer des structures plus consolidées pour l’avenir, prenons le problème à l’envers: simplifions les créations d’EURL par exemple, qui sont outrageusement difficiles à monter et expliquent justement pourquoi tant de monde se tourne vers l’autoentreprise.
Sylvia Pinel devrait se concentrer sur cela plutôt.
En période de crise, toutes les activités favorisant la croissance et la création de richesse doivent être soutenues, autoentrepreneurs compris. Y mettre des murs n’a aucun sens.