Comme un petit goût de naphtaline : mon édito dans Lyon Mag

Texte de mon édito paru ce jour dans Lyon Mag sous le titre « Un petit goût de naphtaline »
C’était les premiers vœux de ce mois de janvier.

Ils sont pour les plus actifs si on prend le bout positif de la lorgnette, les plus mondains ou les plus pique assiettes de nos contemporains, synonymes de frangipane plus ou moins grasse, de mousseux plus ou moins digeste (certains étant franchement à classer du côté des armes chimiques) et de rencontres plus ou moins pertinentes. Une trentaine de jours entre paradis discutables et purgatoire.

C’était donc les premiers vœux et l’hôte inspiré, parlait à juste titre de la nécessité de trouver de nouvelles voies, de nouveaux modèles, dans un monde nouveau lui aussi à l’intérieur d’une année bien sûr nouvelle . J’avais pour ma part pris une citation du même tonneau en mettant cette année ce bon vieux JM Keynes, 3e anglais de rang en exergue de mes cartes de vœux après Ed Miliband en 2011 et Julian Barnes en 2012, ce bon vieux John Maynard, héros de mes cours d’économie de lycée et sa citation « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes ».

Bref nouvelle année, nouvelles idées, mousseux nouveau, tout neuf ? Pas toujours, pas vraiment. Il est, dans cette assemblée comme dans une autre, assez frappant de voir que les représentants d’autorités les plus diverses, tant culturelles que politiques ou économiques sont un peu toujours issus des mêmes catégories, des mêmes lieux d’éducation ou presque et des mêmes âges. Le tout souvent combiné à une sur-représentation masculine concernant en particulier les plus anciens.
Il est vrai que l’autre jour sur ce site, dans un entretien jubilatoire et de qualité, Jeanine Paloulian voyait en renouveau lyonnais deux élus de très grands niveau mais déjà reconnus sur la ville et sexa et quinquagénaires… ce qui , je ne dirais pas le contraire, n’enlève rien à leurs compétences reconnues par le plus grand nombre, à l’apport qu’ils amènent à notre agglomération et à l’amitié que je leur porte. De même que les élus de l’opposition évoqués comme possibles candidats ont fait leurs premières armes alors que nous regardions Pas de Pitié pour les Croissants… Mais, c’est, logique et normal, les électeurs qui décident. En démocratie, fort heureusement le souverain c’est le peuple.

La chose n’est pas lyonnaise uniquement, elle est surtout très française : Nous sommes le pays des gérontocraties et des conformismes. Les systèmes politiques et d’entreprise sont souvent basés sur la prime au plus ancien. De la même façon en matière culturelle. Dans nombre d’entreprises surtout grandes et moyennes ou dans la fonction publique, à travail et efficacité égale, il est admis et pratiqué que le plus ancien reçoive un salaire  plus élevé, parfois considérablement. Ce qui entre parenthèses, parfois se referme comme un piège sur les derniers qui sont parfois considérés comme « trop chers » s’ils se retrouvent sur le marché du travail en fin de carrière.

Et puis l’âge est considéré comme un critère de compétence automatique. Certes nul ne contestera que l’expérience aide sans doute ou tout simplement que Simone Veil a sans doute un peu plus de pertinence que Rama Yade mais ce préjugé fixe notre fonctionnement français. Ou que la jeunesse n’est pas une vertu en soit, en témoigne cette pauvre dame de 94 ans expulsée de sa maison de retraite par le défaut de paiement de ses enfants.

Je lisais l’autre jour dans la presse professionnelle du secteur de l’énergie qu’on murmurait qu’une jeune conseillère de l’Elysée, Mademoiselle (pardon à Oser le Féminisme toussa toussa) Rufo, experte en politique étrangère, notamment asiatique, pourrait, éventuellement, si aucun souci, si aucun problème, si l’horizon se dégageait, éventuellement, avec un peu de chance être numéro DEUX d’une ambassade avant QUARANTE ans ce qui avait l’air d’être absolument révolutionnaire.

Nous ne sommes pas au niveau du comité central communiste vietnamien qui coopte les chefs d’entreprises et les dirigeants politiques mais nous sommes loin de ces pays où ce sont les députés plutôt que leurs assistants qui ont entre 25 et 45 ans. Même si les choses se sont améliorées depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir (11 députés de moins de 40 ans désormais) la moyenne d’âge est élevée, à un peu moins de soixante ans. Et parmi nos parlementaires, la proportion d’endogamie sociale est croissante…

C’est un peu pareil dans les grandes entreprises, où outre le fait que le CAC 40 soit généralement dépourvu de femmes, la triplette ENA-Sciences po-Polytechnique fait un administrateur sur deux et  la moyenne d’âge passant de 58,6 à 59,8 ans en dix ans…soit la même que celui des députés. Pas étonnant qu’on l’appelle l’âge d’or même si il n’est pas encore paru de vermeil.
Alors que faut-il faire ? Des quotas de jeunes comme il y a déjà des quotas de femmes et comme certains voudraient des quotas « ethniques » ? Mais à partir de quel âge on est jeune ? Faut-il mettre un quota d’énarques et d’HEC dans les grands groupes et en politique  ? Imbécillité et atteinte à l’égalité devant le suffrage.

Et puis il y a toujours moyen de prendre d’autres chemins : Vincent Carry avec les Nuits Sonores ou Laurent Constantin avec Acti le prouvent chaque jour avec brillance à Lyon. Dommage que si peu de voies soient débouchées en ces périodes de grand rhume.

Que faire donc ?  Un vœu un peu à la façon du Comte de Saint-Simon mais la chose passe sans doute par un changement de mentalité dans notre pays, dans les recrutements, les énergies, les préjugés. On gagnerait sans nul doute en créativité. C’est de cela plutôt que du reste que souffre notre pays : un petit goût de naphtaline.