Le Newroz, c’est le nouvel an kurde, également appelé Nevruz en turc. Fête majeure, comme les nouvelles années de chaque culture, c’est de plus devenu chez beaucoup un événement revendicatif.
Nous sommes levés tôt pour nous rendre à celui qui est célébré à Dyarbakir, seule ville de Turquie à être autorisée à célébrer l’événement.
Le nouvel an Kurde est interdit presque partout en Turquie cette année
La veille, les jours précédents, l’armée turque a dispersé à coup de canons à eau ceux qui voulaient fêter le nouvel an kurde. La tension monte depuis des mois. Et les reprises des combats entre d’une part le PKK et d’autre part l’armée. Ainsi, parait-il mais ce n’est pas vérifié, que des mercenaires employés par l’Etat et venus de différents pays islamistes.
Des quartiers sont bouclés. Des quartiers dans lesquels il est impossible de rentrer depuis des semaines et où il se déroule des bombardements et des morts à l’abri des regards.
L’armée et des dizaines de policiers sont disséminés un peu partout en ville.
La fête du Newroz peut être la cible idéale pour quelque acte de violence. C’est aussi pour cela que nous partons tôt. C’est pour cela que les consignes de sécurité sont fortes et les contrôles nombreux. La fête attire selon les années entre 1 millions et 3 millions de personnes selon les organisateurs.Cette année compliquée et périlleuse, ce sera moins. Mais ce sera toujours énormément de monde en un même endroit.Enormément de cibles en un même lieu. Ce qu’ont l’air aussi de penser tant les policiers que les membres du service d’ordre.
Le newroz est très politique, avec des drapeaux d’organisations entre le légal et l’illégal
Dans la délégation nous rejoignent notamment Olivier Dartigolle, le porte-parole du PCF et Olivier Besancenot, du NPA. La gauche radicale possède une longue histoire avec divers mouvements kurdes. Nous discutons : certains souhaitent porter des drapeaux français pour montrer la présence de notre délégation. Certains refusent de les prendre par posture. D’autres acceptent. La chose nous vaudra une prise de bec avec un petit groupe alters-mondialistes allemands, trouvant la démarche pas assez européenne. L’Allemagne a souvent de l’avance sur nous décidément.
Sur place, après diverses fouilles, sommes conduits à la tribune officielle.Je salue le co-leader du HDP, le député Demirtas, souvent comparé à Alexis Tsipras.
De larges portraits d’Ocalan, le leader emprisonné du PKK et des drapeaux de cette organisation interdite sont brandies. Et ceci par de larges parties de la foule. Malgré les consignes de sécurité et l’état de tension, personne n’a empêché ces nombreux drapeaux d’apparaitre, ce qui montre que sur ce point, la liberté d’expression fonctionne.
On trouve d’ailleurs aussi brandis les emblèmes des unités combattantes qui affrontent l’armée turque à l’heure même. La frontière entre organisations illégales comme le PKK (qui travaille à l’occasion en France avec le PCF) et légales semblent ici très minces, posant la question des différents visages de la lutte kurde. Des photos d’Ocalan sont projetées également à la tribune. Questionnant de façon dérangeante là aussi la frontière entre le licite et l’illicite, la lutte armée et la voie électorale pacifique. Ces deux visages qui amènent certains à choisir la violence, d’autres les élections, s’affrontent-ils entre faucons et colombes comme on dit ? Ou sont-ils les deux faces d’une même pièce dans ce pays complexe et qui amènent à choisir différentes voies pour une même cause dans un endroit du monde où la politique est parfois brutale ?
Pendant quelques heures, les orateurs se succèdent à la tribune en des discours passionnés auxquels je ne comprends rien. Des musiques martiales résonnent. Que je ne comprends pas plus.
Je croise rapidement Olivier Bertrand, de Les Jours, venu en reportage.Avec un groupe en rangs serrés, on part faire un tour dans la foule immense. On danse, on discute. Mais l’atmosphère reste lourde. Et surtout très militante. On le reverra dans le diner du soir offert par nos hôtes du HDP. En attendant des affrontements éclatent en fin de cérémonie.
Le Newroz est, d’abord, une fête politique ici.