J’étais invité par un cabinet de relations publiques, avec un certain nombre d’autres personnalités locales, à débattre, sous ma casquette d’élu, du rôle des services dans la Métropole de Lyon lors d’un déjeuner hier.
Si je ne met pas sur mon blog thématique cette intervention, c’est que, après ma première prise de parole sur le rôle des services dans notre région (en rappelant aussi que nommer de la même façon un secteur d’emploi qui comprend des situations sociales, économiques et d’images aussi différentes que boss de start-up et des femmes de ménage amenait à forcément une forte imprécision de la problématique), j’ai parlé d’une question me semblant extrêmement centrale dans ce secteur économiques:
Les femmes.
Ou plutôt la condition actuelle de beaucoup de femmes.
Dans ce qui concerne les services, ou plutôt la partie la plus précarisée et la moins valorisée des services, les femmes sont surrepresentées. Bien sûr, toutes les femmes ne sont pas dans des emplois précaires. L’école de magistrature est d’ailleurs presque en train de se poser la question d’introduire des quotas d’hommes. De même la proportion de femmes a doublé ces trente dernières années chez les cadres supérieurs.
Mais les emplois de service les plus valorisés, comme par exemple dans le numérique, restent très masculins. 9 starts-ups sur 10 sont créés par des hommes. A l’autre bout de l’échelle, les aides-ménagéres, les vendeuses, les cantinières sont bien plus nombreuses que leurs équivalents masculins. Et 8 personnes sur 10 derrière les caisses de supermarchés sont des femmes.
Les petits emplois de service, à temps partiel, à salaires bas,sont très souvent occupés par des femmes.
Et que, à mon sens, c’est toute une stratégie, consciente ou inconsciente dans les services, qui s’articule autour d’une vision patriarcale de la société.
Houria ou Sandrine peuvent aller nettoyer les bureaux à 4h du matin. Cela leur permet d’aller ensuite faire le petit déjeuner des enfants…Qu’importe les contrats de 10 heures hebdo de caissière si tu peux aller faire les vitres chez toi après ? Les petites payes si l’on suppose qu’il y a un mari, un compagnon pour faire réellement vivre la famille ?
Un compagnon qui va globalement profiter du détournement du travail des femmes (un concept que PODEMOS utilise beaucoup dans son vocabulaire féministe) pour bâtir une carrière plus valorisée. Cela parce qu’il bénéficie de services gratuits rendus dans le cercle familial. Sur les neufs créateurs masculins de starts-ups sur dix dont j’ai parlé, combien ne pourraient le faire sans support de ce type ? Bien évidemment, les créateurs d’entreprise numériques sont loin d’être les seuls : tous les emplois nécessitant des réunions tardives ou le soir, des horaires denses sont concernés.
Et bien sûr que la situation est ici tracée par moi à grand traits et à clichés. Il existe aussi, par exemple dans le nettoyage public, des emplois de service masculins. Mais notons, niveau salaire et conditions, qu’il vaut souvent mieux être cantonnier que femme de ménage.
Et puis les pères actuels seraient ainsi plus souvent plus impliqués dans les tâches que leurs prédécesseurs.
Sauf que les mères passent bien plus de temps avec leurs bébés que les papas. Dans les cas de couples séparés c’est encore bien davantage semble-t-il, même si les chiffres manquent (et sont affectés par le fait que ce sont les femmes qui gardent le plus souvent le bébé). De même la répartition des tâches progresse mais peu. Et ce temps n’est donc pas investi dans la carrière. Entrainant alors plus facilement l’acceptation d’emplois partiels et de complément : plus de 8 emplois à temps incomplet sur 10 sont occupés par des femmes.
Il y a une réalité triste : les petits emplois de service sont souvent articulés dans le fonctionnement patriarcal de la société. Et ce n’est pas forcément la faute des entreprises qui y sont (certaines font même un travail considérable) mais d’une mentalité générale encore. En France. En 2015. Rude tâche pour Pascale Boistard. Mais aussi évolution de nos mentalités à tous à effectuer.