Il existe, beaucoup le savent, deux Etats Chypriotes sur l’Ile de Chypre : au sud une République reconnue internationalement, membre de l’Union Européenne, de langue grecque et de religion majoritairement orthodoxe. Et il y a aussi depuis les années 70, une République Chypriote du nord. Celle-ci est de langue turque, de religion musulmane, utilise la monnaie émise par Ankara et un drapeau dérivé de celui de l’Etat Ottoman ( alors qu’il n’est d’ailleurs pas rare de croiser l’emblème grec au sud de l’ile). Elle n’est reconnue que par la Turquie.
La division date de 1974.
A l’époque Chypre est indépendante depuis 1960 (même si le Royaume-Uni, l’ancienne puissance contrôlant l’ile garde encore aujourd’hui 1% du territoire) et les chypriotes de toutes confessions vivent ensemble, dans un climat de tension.
Athènes et l’extrême-droite locale rêvent de rattacher l’ile à la Grèce, projet qui ne plait bien sûr pas à la communauté turque. Le président de la République de Chypre (et également chef de l’Eglise Orthodoxe locale) issu de la communauté héllénique, Makarios, souhaite conserver l’indépendance de son pays. Il est finalement renversé par l’extrême-droite chypriote grecque, avec le soutien d’Athènes dirigé à cette époque par une dictature férocement à droite elle aussi. L’ONU demande l’arrêt du coup d’Etat, le retrait de soldats envoyés par Athènes. Mais rien n’y fait.
Du coup la Turquie intervient brutalement et militairement mais dans le cadre au départ des accords militaire. Ceci pour empêcher officiellement l’ile de tomber dans les mains de la Grèce. Elle occupe le nord de l’ile, où se déplacent alors tous les chypriotes turcs pendant que les grecs se concentrent alors tous sur le sud. Des déplacements à l’origine de drames terribles.
Depuis plus de 40 ans, quelques démarches de réunification
Il y a eu différentes tentatives de réunifier l’ile. Par exemple en 2004 avec le plan Annan et l’adhésion à l’Union Européenne.
Depuis quelques temps, les pourparlers ont repris entre les différentes parties de l’ile, avec pour objectif d’arriver à une Chypre unie. Bien sûr la question n’est pas vue de la même façon par les différentes forces politiques, la gauche, que ce soit côté chypriote turc ou grecque étant souvent plus unificatrice que la droite. Même si c’est en ce moment un président conservateur côté Chypre grec qui négocie avec un président social-démocrate côté Chypre turc.
La grande peur d’une campagne d’influence en ligne de Moscou contre l’accord de paix
La grande inquiétude des parties prenantes de ne pas pouvoir refermer les plaies ne vient ni d’Athènes ni d’Ankara. Pas non plus de soldats, de débarquements ou de chars. Mais de Facebook. De Twitter. Des sites d’informations. Non pas que les dirigeants chypriotes aient honte de leur action d’unification. Mais la Russie, investisseur très important, pays orthodoxe, prêteur de la République de Chypre grecque, n’a sans doute pas très envie que l’ile sorte de sa division. Et la Russie sait utiliser l’influence en ligne si besoin.
Derrière des déclarations ne refusant pas, de façon abstraite l’unification de l’ile, Moscou voit d’un mauvais oeil les pourparlers. Déjà parce que l’Union Européenne cherche de tout coeur à favoriser cette réunification et que Poutine est dans un rapport de force avec Bruxelles. Ensuite parce l’unification pourrait faciliter les transports des réserves de gaz, l’ouverture de pipelines en direction de la Turquie et d’Israël au détriment des russes. Et puis cet élan nouveau diminuerait l’emprise sur l’ile du pays de Poutine. L’ambassadeur de Moscou s’est d’ailleurs rendu à un meeting de partis politiques opposés à toute discussion avec les leaders de la partie turque de l’Ile.
Les négociateurs craignent des campagnes de déstabilisation menées par les services russes sur les réseaux sociaux, les sites d’information afin de faire rejeter l’accord, faire monter les forces hostiles à la paix et amener la confusion dans l’ile. C’est même nous apprend Politico Europe, l’une de leurs plus fortes inquiétudes. De quoi, encore une fois, faire prendre conscience à la politique que le web social, c’est sérieux.