“Des viticulteurs ne trouvent pas assez de français pour 1000 euros les 10 jours de travail” Et sont donc obligés de recruter à l’étranger. La chose se passe en Champagne.
Voici un titre pour le moins simplificateur de BFMTV pour faire du clic (et les commentaires en dessous, sur leur page facebook sont, sans surprise, souvent à vomir sur les étrangers et ou l’assistanat, venant de gens n’ayant jamais fait les vendanges eux-mêmes). Le sujet des chômeurs qui seraient assistés et refuseraient de faire les vendanges pendant que les étrangers viendraient prendre leur travail est un vieux marronnier du débat public à chaque rentrée.
Faire les vendanges ce n’est pas qu’une question de volonté pour les chômeurs
Si il est vrai que certains privés d’emploi pourraient aller profitablement aller s’employer dans la vigne et qu’un certain nombre s’en dispensent, la réalité est bien plus nuancée que le dit le titre “putaclic” de la chaine d’information continue.
Déjà parce que les vendanges, je le sais pour les avoir faites dans le nord du beaujolais, ce n’est pas accessible sur plusieurs jours à toutes les conditions physiques. Les chômeurs un peu trop vieux, un peu trop malades, un peu trop faibles, souvent plus nombreux que la moyenne chez les privés d’emplois auront du mal à tenir le rythme. Par ailleurs les mères et péres élevant seuls des enfants en bas âge sont aussi exclus (je me souviens lors d’une vendange en beaujolais des difficultés d’une collègue vendangeuse obligée de trouver de l’argent suite à un souci d’assurance et qui avait du laisser son petit de 2 ans).Mais aussi qu’il y a de vrais obstacles à venir faire les vendanges : il faut rester des jours et des semaines loin de chez soi, trouver un moyen de locomotion (même si certains propriétaires mais pas tous loin de la viennent chercher les vendangeurs dans les villes à proximité) et rares sont les exploitations à portée de train quand on peut se le payer et les privés d’emploi n’ont pas tous, bien loin de là, une voiture et de l’essence.
Un revenu des vendanges qui est en réalité en-dessous du SMIC
Une fois sur place, le revenu tiré est en dessous du SMIC. Il faut se loger et il est de plus en plus rare que le vigneron héberge, en partie à cause des normes, en partie à cause de la perte de cette tradition. Et si il héberge c’est déduit bien évidemment de la paye.Ainsi que les repas sur place, voire, cela m’est arrivé, les gants de protection pour vendanger. Et si on est pas hébergé par le vigneron, il faudra bien trouver à dormir quelque part, ce qui n’est pas gratuit. A la fin on s’en sort pour plutôt 300 ou 400/500 euros nets tout déduit après l’équivalent de deux semaines de travail que pour la somme promise par BFMTV. A compte, nombreux sont ceux qui préfèrent aller travailler dans un fast-food.
Certains ont du mal à payer les vendangeurs pendant que d’autres font le choix de chercher le moins cher possible chez les demandeurs d’emploi
Certes certains vignerons, notamment dans le nature, ne peuvent payer davantage ceux qui récoltent le raisin. Mais les grandes maisons de champagne qui en ont les moyens (LVMH propriétaire de pas mal de marques du célèbre vin est la première valeur boursière française) plutôt que de faire jouer l’offre et la demande, vont chercher des salariés, c’est leur droit le plus strict, dans des pays où un bénéfice de quelques centaines d’euros c’est beaucoup. Ce qui lui permet de continuer à proposer 7,7 euros horaire (moins la nourriture, une partie du déplacement et le logement donc).
Même si certains qui pourraient aller les faire s’en dispensent et qu’il serait mensonger de le nier, on est loin donc du schéma “les chômeurs veulent pas bosser” et “les étrangers prennent nos boulots” qu’on peut lire ça et là à chaque vendange.