Mennel Ibtissem et la grande paranoia

Samedi une candidate venue de Besançon Mennel Ibtissem, 22 ans, a obtenu l’unanimité du jury de The Voice en reprenant Hallelujah de Leonard Cohen, moitié en anglais, moitié en arabe. Une interprétation sans fausse note qui lui a valu des félicitations fournies sur les réseaux sociaux. Et puis, en fouillant dans les heures qui ont suivi, des internautes ont découvert des messages pas toujours reluisants sur les réseaux sociaux.

Par exemple celui-ci

ou celui-ci juste après la mort d’un prêtre tué par des terroristes islamistes à  Saint-Etienne-du-Rouvray

D’autres se sont émus du partage de publications du prédicateur islamiste Tariq Ramadan, connu pour son double discours et mis en accusation de viol. Ou encore des photos avec Lallab, la controversée association conservatrice féminine musulmane.

Voila la talentueuse chanteuse Mennel Ibtissem exécutée sur la place publique et jugée définitivement. C’est un peu court. Ses adversaires sont ceux qu’on pouvait attendre : certains laics inquiets à juste titre certes et accusés un peu facilement d’islamophobie par certains milieux  biens-pensants dès qu’ils questionnent certaines dérives.

Mais aussi et surtout vrais racistes des diverses chapelles de l’extrême-droite toute contente d’avoir une polémique à se mettre sous la dent contre une jeune musulmane . Ou des chroniqueurs de Touche pas à Mon Poste, à l’image de  Isabelle Morini-Bosc, qui reprochent à cette chanteuse de chanter…en arabe ! Comme si c’était interdit en France. On est en plein délire.

D’autres enfin lui reprochent d’avoir chanté une chanson pour la Palestine (ce qui est son droit quoi que nous pensions du conflit Israelo-palestinien qui est trop souvent résumé de façon sommaire dans notre pays), chant bien innocent.  Comme le dit Isabelle Kersimon (dont les arguments très justes dans cet affaire mériteraient d’être développés), pourtant peu soupçonnable de tendresse envers le radicalisme religieux, est-il antisémite de chanter « la terre de Salam et de Yom Kippour espérant voir les enfants jouer loin des bombes » ?

Quand à ses complotismes, ses sympathies, ses doutes, ils ne sont bien évidemment pas les miens. Mais elle n’est pas la seule à les partager : Cotillard, Jean-Marie Bigard, Kassovitz et tant d’autres, qui pourtant ne sont pas mis à l’index alors que bien plus âgés, bien plus matures, ont les mêmes.

Ce n’est pas glorieux mais il faut combattre ce genre de délire par des idées plutôt que de chercher absolument à auto-créer des poupées maléfiques. Mennel Ibitissem porte un foulard coloré, bosse avec l’homosexuel Mika, chante de la poésie juive et des covers de Beyoncé, affirme son patriotisme, veut enseigner et faire de l’art. Elle dit aimer la France et vouloir enseigner. Alors certes il existe parfois un double discours chez les islamistes mais là ça fait quand même un peu beaucoup non ?

Etre vigilant et dénoncer des dérives c’est très bien bien. Repeindre Mennel Ibtissem en sorcière islamiste  source d’un complot prête à poser des bombes c’est à la fois idiot et contreproductif pour les amis de la République. Et c’est du pain béni à tous nos vrais ennemis de nous-même fabriquer de nouveaux adversaires pour nous défouler. Au lieu d’offrir un cadre alternatif au triste schéma Dieudo/islamisme/ complotisme que certains ne veulent pas voir mais que d’autres cherchent à trouver partout.