La fermeture du site Megaupload marque-t-elle la fin d’une période d’abondance dans la consommation des séries télés ? En est-il terminé de nos nouvelles habitudes prises en matière de consommation de séries ?
Il est 14h en ce mois de Janvier 1990 à Douala, au Cameroun. J’ai 13 ans et les rues de la capitale économique sont vides: il s’agit en effet de ne pas rater la diffusion de la série Dynastie sur les écrans de la télévision nationale. En l’absence de rediffusion, l’amateur des romances de Denver n’avait d’autre choix que de se faire raconter l’histoire du jour par ses amis en cas de rendez-vous manqué avec l’étrange lucarne.
Janvier 2012, un peu plus de vingt ans plus tard, il est aux alentours de 22h lorsque j’apprends la fermeture de megaupload, géant de la mise à disposition de fichiers sur le net. Le site, issu d’une entreprise pour le moins opaque, est notamment utilisé par les amateurs de séries pour visionner gratuitement, ou pour pas cher, les oeuvres de leur goût. A toute heure et librement. De quoi passer des nuits blanches devant une cascade d’épisodes de The Wire ou ne pas rater The New Girl quelques heures à peine après sa diffusion aux USA.
La fin d’une époque ? Les sites de streaming ont induit toute une culture autour de la série, toute une densité, toute une passion. Certes, cet engouement, existait avant internet cette passion. Mon exemple sur Dynastie au Cameroun l’illustre. Mais c’est sur la toile, avec cette abondance, qu’elle a explosé, qu’elle s’est insérée aussi absolument dans le quotidien et le mode de vie. Il n’est qu’a voir les discussions passionnées et les nombreux sites de fans qui poussent de partout et surtout les yeux fatigués des aficionados lorsqu’ils découvrent une nouvelle saga fascinante auto-injéctée à doses de mammouth. La presse a embrayé, à l’exemple des Inrocks, qui débattent, conseillent ou déconseillent des séries souvent impossibles à regarder par le canal de la diffusion légale en France.
Certes il existe d’autres technologies pour se procurer sa dose indispensable d’How I Met your Mother ou Desperate Houseviwes comme le Peer to Peer. Mais, outre la possibilité de se faire attraper et gourmander par Hadopi, ce système demande parfois une longue recherche pour trouver le bon fichier.
Certes, également il existe encore des alternatives à Megaupload, basées sur le même modéle, comme VideoBB ou Mixturevideo. Mais pour combien de temps après cette dissuasive arrestation?
Es-ce la fin d’une période où il était possible de voir les toutes dernières séries sorties aux US, quelques heures après leur diffusion sur HBO? Es-ce la fin d’un modèle d’abondance pour le consommateur, certes souvent au détriment du producteur? L’abondance est-elle terminée ?
Pas forcément. Déjà le web possède une capacité constante à évoluer et à inventer de nouveaux outils pour satisfaire les besoins et les demandes de ses utilisateurs. De nouveaux systèmes de diffusion émergent sans cesse. Des entreprises protégées encore davantage se créent. Et puis, info ou intox, Megaupload lui-même semble tenter de renaitre de ses cendres.
Enfin, il n’est pas interdit de rêver, l’offre légale va peut-être aussi s’améliorer un peu en proposant davantage de choix, plus rapidement, à des prix accessibles. Elle le fait déjà, lentement, en proposant par exemple bien plus rapidement de voir les nouveautés en ligne. Il va falloir accélerer un peu. Il en va de l’intérêt des diffuseurs et ayants-droits et de celui des consommateurs également. A moins que ces derniers ne trouvent d’autres occupations que de regarder Dexter…
Billet repris sur le site de l’hebdomadaire Marianne