Lyonnitude(s) : Manger des sushis à Lyon

Le Sushi à Lyon fut longtemps rare et cher . Des groupes de métal locaux avaient beau faire des jeux de mots douteux « Les sushis sont de Lyon », il fallait souvent, tel le bourgeois lyonnais des temps jadis allant aux cabarets de Paris pour se faire discret, monter à la capitale pour passer un moment agréable et bon marché à trois entre vous, le riz et le saumon.

Montées pour rompre avec une néo-parisienne en bord de Seine, visites  professionnelles, séjours touristiques, le sushi devenait pour le lyonnais un monument parisien , au même titre que l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel ou la dégustation d’un chocolat chaud Chez Angelina.

Il y avait certes quelques lieux de plaisir dans notre ville mais ils étaient rares et souvent horriblement chers. Du sushi de caste, du Moubarak sauce Maki, du Ben Ali version Sashimi, du Louis XVI à la mode California Rolls avant que la révolution ne mette tout à bas et démocratise la chose, avant que de nombreux établissements dédiés au mariage du saumon cru et du riz ne viennent amener un ordre nouveau.

Aujourd’hui les bouchées venues d’extrême-orient sont le meilleur moyen de passer une soirée à s’emmerder chez soi en ayant tout de même la classe. Répondre « Hier ? Oh rien de spécial, je suis resté à la maison. Tranquille. Ai commandé des sushis » fait quand même plus classe que « J’ai rouillé en mangeant des carambars devant Patrick Sébastien tellement j’ai pas d’amis ».

Le sushi est la petite touche qui vous fait, mine de rien, monter dans la caste des lyonnais-top-méga-cool-branchouille-à-fond. Quelques grammes de poisson consommés régulièrement feront oublier aux arbitres des élégances de la coolitude des fautes de goûts normalement impardonnables comme l’écoute avec plaisir de la compilation Méga Italie volume 3, le port d’une coupe mulet type footballeur allemand des eighties ou la croyance dans le Nouveau Centre. Le sushi est diététique, bon, relativement pas cher et lustre votre branchitude. What else ?

Vous pourrez proclamer au monde, d’un air négligent « Oh moi j’aime beaucoup la cuisine japonaise » ce qui voudra dire en gros que vous savez distinguer le sashimi saumon du maki chêvre-avocat. Peu importe également que les sushis aient en partie  été créés en californie et les établissements qui les produisent tenus par des chinois et des coréens. On ne va pas s’ennuyer avec des billevesées, vous voila proclamé amateur, gastronome, lumière éclairée, de cuisine du soleil levant non de non ! Vous êtes même expert en accords mets/boisson puisque savez qu’on peut boire de la biére japonaise avec ou du thé vert. En plus le dimanche soir c’est bien pratique à commander.

Vous reste à franchir l’étape ultime de la coolitude: Le vrai de vrai de vrai restau nippon. Tenus par des vrais sujets de l’Empereur Akihito. Ceux avec de la cuisine japonaise, pas un de ces horribles endroits qui ont le mauvais goût d’avoir un chef du soleil levant et de faire de la cuisine de chez nous, vous n’êtes pas encore à ce niveau de snobisme. Et puis vous l’avez dit hier à la machine à café, VOUS AIMEZ LA CUISINE DU JAPON.Point.

Un jour, par curiosité, erreur ou connaissance, vous franchirez les portes d’un de ces vrais de vrais restaus japonais. Qui ne fait généralement pas de sushis. Zut. Vous voila perdu. Et relégué dans l’horrible condition de celui-ne-connait-pas-la-véritable-authentique-cuisine-du-Japon. Désappointé dans un premier temps vous découvrirez les merveilles que sont le kuri Gohan ou les Sukiyaki. Du coup vous dédaignerez les sushis comme étant la beaufitude ultime (enfin sauf le dimanche soir parce que c’est si pratique), vous franchirez une nouvelle étape dans la top-branchitude et vous chuchoterez à l’oreille de vos amis « Je t’emméne dans un petit japonais mais attention, un vrai hein, y’a pas de sushis ».

(photo: E.Wander)