Après une première livraison hier, voici la seconde partie de la note de Jules Praxis . Pour mémoire celui-ci travaille pour l’Etat dans les politiques d’hébergement et d’accès au logement dans la région lyonnaise et gére un grand nombre de dossiers liés aux populations roms et a accepté de nous faire une note sur le sujet. Après une 1ere partie sur le rôle de l’Etat, il évoque aujourd’hui la question du démantélement.
Depuis plusieurs jours, l’opinion publique et les associations de défense des Droits de l’Homme commencent à s’inquiéter et à tirer la sonnette d’alarme : il n’y aurait aucun changement entre la politique conduite par l’ancienne et la nouvelle majorité quant au traitement de la question des « Roms ».
Manuel Valls le rappelait la semaine dernière : le gouvernement entend bien appliquer les décisions de justice concernant l’évacuation des camps de « Roms ».
Outre le respect légitime de telles décisions, le gouvernement met en avant les conditions sanitaires dans lesquelles les familles évoluent. Médecins du Monde aurait même constaté une recrudescence des cas de tuberculose.
Personne ne conteste que leurs conditions de vie soient très largement indignes, ni même que certains campements puissent poser problème à des riverains excédés. Comme le dit assez justement Manuel Valls, cette question est un défi posé au vivre-ensemble dans une République qui affiche clairement des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
Le paradoxe c’est que l’on ne voit, pour l’instant, que les expulsions des camps de « Roms » alors que le candidat Hollande s’est engagé sur un changement de politique : plus d’expulsion en amont s’il n’y a pas de solution en aval.
Les « Roms » en très grande précarité seraient en France, et selon les sources, de 15 à 20.000 personnes. Ce sont elles qui font l’actualité et sur lesquelles les projecteurs, sporadiquement, se focalisent. Les difficultés cumulées sont vertigineuses : illettrisme, conditions de vie (notamment sanitaires) déplorables, graves situations de précarité et d’exclusion, impossibilité d’accéder au marché de l’emploi…
C’est ce dernier point, notamment, que dénoncent les associations de défense des Droits de l’Homme : à cause de mesures transitoires imposées à la Roumanie et à la Bulgarie par l’Union Européenne, les « Roms » éprouvent d’immenses difficultés à trouver un emploi. Sans emploi, impossible de justifier des ressources suffisantes pour rester sur le territoire français, les « Roms » se retrouvent alors en situation de pouvoir être expulsés. Le gouvernement précédent faisait des expulsions l’alpha et l’oméga de sa politique envers les « Roms », pour un coût estimé à une dizaine de millions d’euros par an et un résultat déplorable : citoyens de l’Union Européenne, les « Roms » revenaient en France à la première occasion.
Si le gouvernement actuel continue de procéder au démantèlement des camps, c’est en partie pour répondre aux décisions de justice mais aussi pour répondre à ce qu’il considère être une urgence sanitaire, sociale, humaine.
Le candidat Hollande s’y est engagé : les « Roms » ne seront plus expulsés des camps et des squats sans solution pérenne. Pour l’heure, cet engagement n’est pas toujours respecté. Le seul changement constaté serait, apparemment, le changement de ton. Une différence pourtant déjà notable puisque des consignes de concertation ont été données aux Préfets pour rechercher avec les associations et les élus locaux des solutions de relogement aux personnes les plus vulnérables.
Si les associations ont raison de tirer la sonnette d’alarme et de rappeler l’actuel Président à ses engagements de candidat, elle ne doit pas oublier que le quinquennat précédent n’a été qu’une litanie de stigmatisation de la figure du « Rom » dans un parfait amalgame avec la délinquance et les gens du voyage, que l’on peut qualifier d’indigne et qui culmina au moment du discours de Grenoble.
De plus, si les difficultés sont immenses, quelques pistes et solutions peuvent éventuellement être dégagées et il ne fait aucun doute que la politique sur laquelle François Hollande s’est engagée sera bien tenue. En politique, le temps court des réponses courtes a déjà fait l’objet d’un quinquennat, avec les résultats que l’on sait.
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