Cameron ne votera pas Juncker. Ou alors il menace de faire sortir l’UK de l’Union Européenne. Merkel a hésité, n’a pas soutenu le conservateur européen à la présidence de la Commission au départ mais vient de se raviser et lui a apporté son concours. Les premiers ministres de droite suédois, hongrois, finlandais. La plupart reprochent à Juncker d’être trop fédéraliste. Plus surprenant Mark Rutte, le premier Ministre libéral de droite des Pays-Bas, membre du pourtant officiellement fédéraliste ELDR, a les mêmes réserves.
Juncker ou pas Juncker: la problématique
Alors que des conservateurs et des libéraux rejettent Jean-Claude Juncker, plusieurs personnalités de la gauche ont, avant Merkel, appelé à ce que Juncker soit désigné Président de la Commission. Daniel Cohn-Bendit par exemple. Ce qui, comme nous allons le voir et contrairement à ce que dit le Nouvel Obs n’a rien de surprenant. Autre soutien, et cela a du faire s’étrangler ses amis français du Front de Gauche, moins pro-européens que lui, Alexis Tsipras, le leader de la gauche radicale européenne.
C’est que l’enjeu, derrière ces apparentes confusions, est clair: nous avons d’un côté les partisans des pouvoirs des Etats, très présents au sein de nombre de gouvernements de la droite européenne. De l’autre des forces partisanes de plus d’Europe, allant des fédéralistes (dont Juncker n’est, quoi que dise Cameron, pas) à des forces considérant simplement que plus de sujets peuvent être traités efficacement au sein de l’Union.
Les premiers, qui dirigent de fait l’Europe depuis des années, ont tout intérêt à ce que les élections européennes ne débouchent sur rien de concret et sur le fait d’imposer des leaders parmi les moins gênants pour leur pouvoir. Ce sont les partisans des pouvoirs des Etats qui ont imposé Barroso et Ashton aux responsabilités qui ont été les leurs, avec les échecs que l’on sait.
Les seconds veulent que l’élection européenne ait un sens. Ils n’ont pas tous voté la semaine passée pour Juncker (moi le premier) choisissant même souvent d’autres candidats mais ils considèrent que le Président de la Commission doit, pour être puissant, être issu du vote populaire européen.Et les forces conservatrices qui soutiennent Juncker sont arrivées devant les autres (hélas pour ceux qui comme moi ont fait un choix plus progressiste mais c’est la démocratie).
Les candidats à la Présidence de la Commission s’étaient d’ailleurs tous engagés sur la légitimité à présider de celui ou celle arrivé(e) en tête.
Les partisans du pouvoir des Etats ont visiblement un candidat: Michel Barnier. Ce français membre de l’UMP a l’avantage pour lui d’être assez complice avec la City (il est réputé avoir écrit sous la dictée des financiers les projets de régulation européenne) malgré quelques passes d’armes et d’être proche des lobbys productivistes.
Il est par ailleurs en train de tisser sa toile pour devenir le candidat de la droite aux prochaines régionales dans la région Rhône-Alpes.
Ecarté par les conservateurs du PPE, qui ont préféré investir Juncker, Michel Barnier ne bénéficie pas de la même légitimité que celui qui a remporté les élections de dimanche dernier.
C’est justement ce que veulent les partisans des Etats.