L’autre jour, j’avais publié dans Libération une tribune pointant la centralisation excessive des moyens de l’Etat autour du Grand Paris d’une part et d’autre part les innovations intéressantes portées localement, dans les territoires de la République. J’ai pris deux exemples, ceux d’Alsace et du Rhône.
Guillaume Balas, Président du groupe socialiste de la région Ile-de-France, en désaccord avec ma tribune, vient de me répondre et de m’interpeller toujours via Libération dans un texte intitulé » La région capitale n’est pas une danseuse étoile« .
Je lui sais gré d’engager la discussion et le débat mais on s’en doute je ne suis pas d’accord avec sa réponse.
Sans tomber dans un feuilleton façon Boss de Titan et Montebourg ou Booba et la Fouine, je tenais à répondre sur quelques points. En détaillant l’article sur ce blog, à la façon de Jegoun, illustre blogueur d’Ile-de-France.
Dans sa tribune parue dans le Libération du 6 février, Romain Blachier donnait à voir la naissance de l’eurométropole du Grand Lyon comme une revanche prise sur Paris et son autoritarisme centralisateur hérité du passé.
Je n’ai nullement parlé de revanche, je ne vois d’ailleurs pas pourquoi il faudrait en avoir.
Je suis content que le territoire où je vis se dote d’un nouvel outil pour lui permettre de prendre encore plus d’essor. Il ne s’agit pas de moins pour la région de Guillaume Balas mais de plus de liberté pour les autres. Ce qu’on peut vivre à Paris, ce serait bien que l’on puisse le vivre ailleurs aussi…
Cela fait déjà bien longtemps que les intérêts de l’Île-de-France ne sont plus exclusivement ceux de ses seuls habitants, mais bien ceux de tous les Français. A la faveur du développement des infrastructures de communication et de transports, la région francilienne est devenue un bassin d’emplois, une zone d’attraction économique et touristique pour des millions de Français qui n’y habitent pas.
Déjà parle-t-on de tous les français comme cela est affirmé en début de paragraphe ou seulement de certains d’entre eux comme cela est dit à la fin du même paragraphe? Il faut savoir.
En tous cas toutes les régions de France rayonnent au-delà de leur seul périmètre. J’ai pris l’exemple de l’Alsace dans mon article, il est évident que l’attractivité de ce territoire ne se résume pas non plus à sa seule population mais qu’on vient y entreprendre, y étudier de loin.
Alors oui c’est davantage le cas pour l’Ile de France qu’ailleurs…C’est justement le problème que je dénonçais dans mon article: il y a trop de concentration sur un même territoire de la République et pas d’autre choix dans la plupart des domaines que de passer par la région parisienne pour occuper certaines responsabilités, certains métiers ceci dans un très grand nombre de domaines que ce soit au sein des grosses entreprises comme dans les domaines des médias et du culturel. Il est donc nécessaire de permettre du possible ailleurs également.
En voyant la moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprise (CVAE) perçue sur son territoire redistribuée par l’Etat aux autres régions françaises, la région francilienne participe activement à la solidarité territoriale. A cette péréquation dite verticale s’ajoute l’organisation nouvelle d’une solidarité entre régions à travers la création un fonds de 26 millions d’euros auquel l’Île-de-France abonde à hauteur de 65%. L’égoïsme francilien n’est donc plus si évident pour qui connaît la réalité des chiffres.
La région Ile-de-France n’est nullement accusée d’égoïsme dans mon article. Ce qui est pointé c’est le rôle de l’Etat qui n’est plus ici arbitre impartial mais qui reste dans une volonté de concentrer ses moyens sur une région de façon disproportionnée.
L’Alsace, Rhône-Alpes et bien d’autres sont aussi plus contributeurs que receveurs. Et tant mieux pour faire vivre la solidarité envers les territoires plus défavorisés.
Mais ces endroits de la République ne bénéficient pas des mêmes mobilisations de l’Etat pour tout.
Le métro parisien c’est d’abord le contribuable français en général qui le finance. Le métro rennais ou marseillais ne bénéficie pas du même soutien financier et humain de l’Etat que la RATP. Et si tu parles de danseuse étoile, je veux bien qu’on compare les moyens donnés à l’Opéra de Lyon, financés par l’impôt local et celui des Opéras de Paris, financés d’abord par les impôts du Ministère de la Culture dont le budget arrose majoritairement une unique région: la tienne.
Revers de la médaille, la région capitale se caractérise également par de profondes disparités sociales et géographiques qui nécessitent une vigilance particulière des pouvoirs publics dans l’aménagement équilibré de l’ensemble de ses territoires.
C’est ce que je dis: en concentrant trop, les premières victimes du jacobinisme français sont les habitants d’Ile-de-France, victimes de la congestion des transports et des difficultés d’aménagements (manque de place, problèmes de logement) qui constituent des facteurs limitants pour la croissance de la région parisienne.
Conscient de ces spécificités rendant délicate toute comparaison entre Paris et Lyon, Romain Blachier s’est pourtant plu à dépeindre la région capitale émergente comme une sorte de « Black Swan » de l’eurométropole lyonnaise, un double en négatif, tiraillé par les doutes et les névroses, à l’instar de l’héroïne du film de Darren Aronofsky.
Ce qui est fatiguant lorsque l’on débat sur la centralisation, c’est la tentation d’en faire une querelle de clochers. J’adore Paris, sa vie et sa culture. Etre lyonnais et soutenir son territoire n’est pas combattre l’autre.
Il ne s’agit pas d’opposer ta ville et Lyon (j’ai aussi parlé d’Alsace dans mon article) mais de demander un rééquilibrage pour une France qui marche sur plusieurs pôles, à Strasbourg, à Marseille, à Lille etc… comme cela se fait presque partout en Europe par exemple à Porto, Barcelone, Milan, Cracovie, Francfort etc… Cela n’empêche ni Lisbonne, ni Madrid, ni Rome, ni Varsovie, ni Berlin d’être des villes majeures.
Encombrant héritage légué par cette droite désavouée depuis, les 10 milliards manquants pour financer le Grand Paris Express continuent d’ailleurs de peser sur la définition de l’Île-de-France de demain. L’organisation de la région capitale sera bien le produit d’un dialogue respectueux entre les collectivités franciliennes et l’Etat.
Droite ou gauche, il s’agissait bien avec Christian Blanc des moyens de l’Etat. Et encore aujourd’hui les décisions sur le Grand Paris, ses budgets, ses statuts sont discutés d’abord par la puissance centrale. L’enceinte du parlement de la République bruisse régulièrement de discussions à ce sujet.
Ce n’est pas le cas pour le reste de la France.
Il me semble pourtant que Paris, riche d’histoire, d’avenir et de culture, mérite autre chose et que ce projet local devrait, comme ailleurs, être traité davantage dans l’égalité, avec un État plus égal dans le traitement de ses différents territoires.
La France ne se fera pas sans sa région capitale. Mais notre pays gagnerait à se construire, c’est de l’intérêt des parisiens comme des bourguignons et des basques comme des lyonnais, dans un cadre où tout le monde pourra avoir la chance de vivre un peu partout en France des opportunités dans sa vie professionnelle comme personnelle .