Le site Mediavox m’a proposé, à moi Romain Blachier, d’être chroniqueur chaque semaine pendant un mois sur son site.
Mediavox est un site avec du débat comme y participe ma chronique (ce jour consacrée aux gaz de schiste) mais surtout un lieu de financements de reportages. Le principe: un internaute propose un sujet de reportage et les internautes le financent.
Gaz de schiste : 2 fantasmes en partie infondés et 3 vraies questions
L’une des plus grands productrices de dogmes en série de notre temps est la question du gaz de schiste. Elle se décline principalement en deux fantasmes opposés, qui comportent toutefois leur part de vérité. Et puis de trois questions dont on parle
peu dans le débat franco-français.
D’un côté nous avons le fantasme de la part des adversaires résolus de tout ce qui évoque cette question. Ne serais-ce qu’évoquer la possibilité de rechercher des moyens nouveaux d’extraire le gaz dans le respect de l’environnement ou poser la question de l’utilité de l’extraction vous classe dans les catégories des odieux pollueurs et des
profiteurs, vendus à des lobbys secrets.
Victimes de l’autre fantasme, le camp de ceux qui considèrent le gaz de schiste comme une manne sacrée, qui serait uniquement prisonnière de méchants défenseurs de l’environnement, forcément dogmatiques et rétrogrades, qui veulent détruire l’économie et empêchent la France
s’être souveraine énergétiquement.
Que n’a entendu comme insultes le groupe socialiste à la Région Rhône-Alpes, qui le premier en France, avant toutes les autres forces politiques, souleva le lièvre du gaz de schiste….
Mais la vérité est plutôt ailleurs que dans cette opposition de caricatures.
Oui il est vrai de dire que le sol français est extrêmement riche d’un large potentiel gazier : Avec la Pologne, nous sommes même en tête du continent Européen avec 5 000 milliards de mètres cubes de gaz exploitable environ.
Pourtant la France importe 98% de son gaz…et 4 millions de foyers vivent en précarité énergétique. De quoi réfléchir, et, comme le prône le gouvernement, laisser la place à l’expérimentation de nouvelles méthodes plutôt que de fermer la porte à
la recherche.
Une posture d’interdiction de méthodes alternatives serait en outre hypocrite : les recherches non menées en France seraient, comme c’est le cas actuellement, menées ailleurs:
les groupes producteurs d’énergies ayant des filiales un peu partout dans le
monde. Ce n’est nullement un hasard si des groupes français ont, par peur de réglementations US trop exigeantes sur les gaz en question, subventionné la campagne de Mitt Romney…
Et il est vrai que l’extraction actuelle par fracturation
hydraulique est inadmissible dans son fonctionnement et ses conséquences :
Elle consomme une quantité d’eau invraisemblable, provoque des phénomènes cancérigènes sur les populations riveraines, nécessite le creusement d’une quantité invraisemblables de puits etc… les arguments sont connus et valables. Il faut ajouter que des régions touristiques entières comme l’Ardèche seraient ravagées. Et que la France devrait choisir entre son
autosuffisance en eau et celle en matières gazières.
Mais le souci posé par le gaz de schiste ne réside pas seulement dans
l’extraction, dont le gouvernement a bien raison d’autoriser les
recherches sur les alternatives possibles.
Il existe au moins trois autres questionnements sur le gaz de schiste.
Les USA, qui notamment à Raleigh et en Californie possèdent un riche tissu
d’entreprises dans le secteur des énergies vertes , ont vu les
investissements se réduire comme peau de chagrin et les commandes diminuer lorsqu’ils se sont mis à massivement exploiter le gaz de schiste.
Et puis, la recherche et développement dans le secteur, en plein boum, a été freinée net.
L’abondance d’énergie a stoppé en grande partie également les nouveaux usages du renouvelable. Et donc mis de côté, pour un certain temps, la pourtant nécessaire transition écologique, que demande François Hollande en France.
Enfin troisième problème, les comportements industriels et individuels d’économie d’énergie sont devenus moins centraux, relançant les usages polluants.
L’exemple américain n’est pas à ranger au rayon de la curiosité exotique : c’est à cause du choix fait depuis longtemps du nucléaire que la France connaît
un tel retard en matière d’énergie renouvelable.
Y ajouter les gaz de schiste ne ferait que retarder encore notre pays et sa recherche scientifique et sa démarche d’avancée environnementale.